L’entrepreneuriat pour affronter la maladie
Nadia Chandonnet se bat depuis toujours avec des troubles de l’humeur. Quand le diagnostic est finalement tombé l’an dernier, on lui a appris qu’elle vivrait toute sa vie avec une dépression chronique mineure, un trouble de santé mentale appelé la dysthymie. Résolue à ne pas laisser la maladie guider sa vie, Nadia a pris le taureau par les cornes et a choisi de se créer un emploi sur mesure, dans le respect de ses limites.
Incapable de comprendre ce qui lui arrivait pendant de nombreuses années, elle en était même venue à se demander si elle était normale. Maintenant qu’elle peut enfin mettre des mots sur ce qu’elle vit, Nadia voit la lumière au bout du tunnel.
«Je vis avec ça depuis que je suis adolescente, confie-t-elle. À l’école, je manquais souvent d’énergie et j’avais de la misère à rester motivée. Ça ne m’a pas empêchée de faire une maîtrise, même si c’était difficile. C’était comme si j’avais toujours un poids à trainer. C’était lourd au quotidien. Je pleurais sans raison, j’étais fatiguée et mon corps ne suivait pas. J’avais des buts, mais pas l’énergie pour les atteindre.»
«J’ai toujours eu de la difficulté́ à garder mes emplois, poursuit cette dernière. Pas parce que je ne faisais pas l’affaire, mais parce que j’avais de la difficulté́ à suivre un horaire régulier. Pour moi, du 8h à 16h, c’est mortel. Je suis capable de le faire, mais pas à long terme. Je l’ai essayé plusieurs fois et ça se termine toujours de la même façon : je retombe. Avec tout ça, mon C.V. n’est pas très attrayant pour les employeurs.»
En 2010, vivant une dépression majeure, Nadia a décidé de consulter pour la toute première fois. «Par la suite, j’ai eu environ huit ans de hauts et de bas avec la médication, sans résultat durable, jusqu’à ce que j’entame une thérapie avec une travailleuse sociale et que je sois aussi référée en psychiatrie. En 2019, le verdict est tombé́.»
Malgré le choc à encaisser, Nadia a pris conscience qu’elle vivrait avec la dysthymie toute sa vie. Bien vite, elle en est venue à se demander ce qu’elle allait faire de sa carrière professionnelle dans cette situation.
«Je ne me voyais pas passer ma vie sur l’assurance-maladie ou sur l’aide sociale, dit-elle. C’est là que j’ai décidé d’être ma propre patronne et chercher mes propres contrats selon mes forces et mes limites. C’est là que j’ai eu l’idée de créer mon entreprise, Multi-projets Nadia Chandonnet.»
Après la pluie, le beau temps
L’entrepreneuriat, impliquant la gestion de son horaire, lui semblait être la meilleure solution. En avril 2019, elle s’est lancée dans cette nouvelle aventure. Depuis, les contrats et les idées s’enchaînent.
«Je suis une personne curieuse qui a beaucoup de champs d’intérêt, mentionne-t-elle. J’ai du talent en couture et j’ai de l’expérience dans plusieurs domaines, notamment pour faire de la saisie de données. J’ai commencé à faire de la comptabilité pour ma sœur qui a son entreprise. Je me suis mise à trouver des contrats et, parallèlement à ça, j’ai décidé de lancer mes propres produits. Les premiers que j’ai faits, ce sont des loups de nuit en tissus recyclé. J’ai aussi fait des masques dernièrement puisque la demande était là.»
Depuis environ un mois, elle a entrepris la confection de bas de Noël garnis de produits d’une quinzaine d’artisans québécois. Parmi ceux-ci, plusieurs sont de la région, dont l’artiste peintre Sonia Goulet, Accro-aimants (Marie- Ève Noël) et le Tiroir à Bobettes (Mélanie Chandonnet).
«Pour chaque bas vendu, un don d’environ 2 $ sera remis à l’organisme La Locomotive, qui lutte contre la stigmatisation liée à la santé mentale, précise Nadia. Comme mon histoire personnelle est très fortement liée à la maladie mentale, il va de soi que je devais sélectionner un organisme qui œuvre dans ce domaine. C’est important pour moi de donner au suivant.»
Après dix ans d’essais et d’erreurs, la médication de Nadia n’est toujours pas à point. Malgré cela, elle choisit de voir le verre à moitié plein : au moins, ses humeurs sont plutôt stables. Avec tout le chemin parcouru, c’est confiante qu’elle se tourne vers l’avenir. «Comme quoi on peut être malade et quand même trouver sa voie», conclut-elle.