La vie après un traumatisme crânien

TÉMOIGNAGE. Il y a trois ans et demi, la vie de Natacha Normandin a pris un tournant inattendu. À la suite d’un accident de voiture, elle a été plongée dans un coma pendant 25 jours. À son réveil, on lui a appris qu’elle avait subi un traumatisme crânien. C’est là que sa vie a complètement changé.

Natacha habitait la municipalité de Sainte-Sophie-de-Lévrard, sur la Rive-Sud. Elle était conseillère municipale, avait un conjoint et deux enfants.

«J’étais quelqu’un de très occupée, raconte Natacha. J’étais impliquée au sein de mon conseil municipal, je travaillais dans un restaurant et je m’impliquais dans l’organisation du Festival des 5 sens. Après l’accident, j’avais perdu toutes mes capacités pour continuer à faire tout ça. C’était comme si tout s’était envolé. J’ai suivi un cours d’ébénisterie avant mon accident. Aujourd’hui, je ne pourrais pas travailler le bois.»

«Maintenant, c’est une renaissance pour moi, ajoute-t-elle. J’apprends à vivre avec moi-même de nouveau. Je redécouvre qui je suis. Je ne me connais plus, je ne sais plus qui je suis. Quand je me suis réveillée, dans ma tête, je n’avais pas de chum ni d’enfants. J’étais un nouvel embryon, un nouveau moi. On m’a appris que j’avais un chum et deux enfants et qu’ils avaient été là avec moi pendant mon coma.»

Avec le temps, certains souvenirs ont refait surface.

«Ma fille a 14 ans, alors les souvenirs sont plus grands dans ma tête, mentionne-t-elle. Mon fils, lui, a seulement 8 ans, alors j’ai moins de souvenirs. Je travaille fort pour recréer un lien avec mes enfants. Ma mémoire n’est pas affectée au complet. Je dirais que c’est environ huit ans aux alentours de l’accident qui est une zone floue. Les images ne sont pas franches.»

Des défis au quotidien

Dans le cas de Natacha, les apparences peuvent être trompeuses. En la regardant et en discutant avec elle, on ne pourrait pas soupçonner qu’elle a vécu un traumatisme crânien. Pourtant, son quotidien est parsemé d’embuches.

«Quand on regarde Natacha, on ne voit pas les séquelles avec lesquelles elle doit se battre quotidiennement. C’est comme si elle est toujours fatiguée cognitivement, comme si son cerveau commence la journée en étant fatigué.», indique Denise Pronovost de l’Association des traumatisés cranio-cérébraux Mauricie/Centre-du-Québec.

«Natacha est consciente qu’elle aurait de la difficulté à être seule avec son fils parce que son cerveau lui a enlevé la possibilité de faire de la projection, précise Mme Pronovost. Elle ne pourrait pas prévoir les besoins de son garçon. S’il lui dit qu’il veut un verre de lait, elle va lui en donner un. Par contre, si elle doit prévoir faire le dîner et le souper, c’est possible que son cerveau ne lui dise pas que c’est le temps de faire le repas.»

Mais ce qui n’est jamais parti du cerveau de Natacha, c’est l’amour qu’elle a pour ses enfants. Elle les voit une fois par mois, en compagnie d’une tierce personne. En résidant à la maison Martin-Matte, elle pourrait accueillir ses enfants plus souvent étant donné le contexte de ce milieu de vie encadré.

Un vif désir d’autonomie

Natacha habite présentement une résidence pour personnes âgées. Bien qu’elle entretienne de bonnes relations avec le personnel et certains résidents, elle ne cache pas son envie de partager un milieu de vie avec des gens de son âge.

«Pour plusieurs personnes, je suis une femme qui travaille à cet endroit et non une locataire, dit-elle. La semaine, je suis souvent à l’Association parce que c’est quelque chose de positif pour moi. J’ai aussi plus de possibilités de me faire des amis à l’Association.»

Ce qu’elle désire par-dessus tout, c’est être capable de s’occuper seule d’elle-même. Pour l’instant, habiter seule en appartement et gérer tout ce que cela implique est un trop grand défi. «C’est trop de choses à penser en même temps, explique Natacha. Je n’y arriverais pas. Pas tout de suite. Quand j’ai trop de choses à gérer en même temps, tout se mélange et je n’arrive pas à bien effectuer chaque tâche.»

Malgré tout, Natacha Normandin est une femme enjouée, joviale et sympathique. Elle embrasse la vie avec une attitude positive. Elle est un exemple pour tous ceux qui ont vécu un traumatisme crânien.

Un très grand besoin

La maison Martin-Matte permettra d’accueillir 10 personnes. Denise Pronovost, de l’Association des traumatisés cranio-cérébraux Mauricie/Centre-du-Québec, se réjouit de cette nouvelle, mais ne cache pas que les besoins sont beaucoup plus grands. «On est content qu’il y ait la Fondation Martin-Matte et on est content pour les 10 places disponibles. Mais le besoin est beaucoup plus grand. On aurait besoin de 100 places», affirme-t-elle. «Grâce à la Fondation Martin-Matte, on parle plus des traumatisés crâniens. Par contre, on fait surtout le focus sur les gens qui ont des cas graves, ajoute Mme Pronovost. Une personne comme Natacha passe inaperçue. C’est clair que les personnes qui sont en CHSLD n’ont pas leur place là, tout comme les personnes comme Natacha n’ont pas non plus leur place dans des résidences de personnes âgées.»

Mme Pronovost mentionne qu’il faudrait plus d’endroits comme les maisons Martin-Matte afin que les personnes qui ont vécu un traumatisme crânien puissent vivre dans un milieu de vie stimulant. Cela les aiderait à cheminer plus rapidement et à mettre leurs capacités à profit.

Qu’est-ce qu’un traumatisme crânien?

Le traumatisme crânien est l’ensemble des lésions et des troubles provoqués par un choc direct ou indirect à la tête. Le cerveau est secoué ou frappé violemment, de façon à provoquer la destruction des cellules ou à entraîner une irrégularité dans son fonctionnement normal. Les séquelles varient d’une victime à l’autre. Les séquelles peuvent être physiques, cognitives, affectives et comportementales.