La roulette russe de la psychose

CANNABIS. Dans une lettre ouverte envoyée aux medias, les médecins psychiatres de la Mauricie et l’Association des médecins psychiatres du Québec demandent au gouvernement de fixer l’âge légale de consommation de cannabis à 21 ans. 

Pourquoi 21 ans? Afin de limiter l’accès aux jeunes et envoyer le message que l’utilisation du cannabis n’est pas anodine.

«21 ans, c’est vraiment un minimum, lance Dre Marie-Frédérique Allard, médecin psychiatre au Centre régional de santé mentale à Shawinigan et cosignataire de la lettre. Le cerveau termine son développement entre 21 et 25 ans sur le plan physiologique. Comme le cerveau croit constamment avant cet âge, la consommation de cannabis à un jeune âge est plus dommageable.»

La consommation régulière de cannabis chez les jeunes entraîne des déficits au niveau de l’attention, de la mémoire, de la vitesse de traitement de l’information et de l’intelligence, d’après l’Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques.

Des risques augmentés de psychose

Le risque de psychose augmente de 40%  chez les personnes ayant déjà consommé du cannabis… et de 390% chez les consommateurs intensifs. Et impossible de prédire les personnes chez qui la consommation de cannabis déclenchera une psychose. «C’est une roulette russe», image l’Association dans la lettre ouverte.

La psychose pourrait, par exemple, entraîner des hallucinations et de la paranoïa.

Il y a également un risque que la légalisation du cannabis entraîne une augmentation des besoins de services psychiatriques et psychosociaux, estime Dre Marie-Frédérique Allard.

C’est que les personnes qui ont consommé du cannabis avant l’âge de 18 ans auraient 2,4 fois plus de risque de recevoir un diagnostic de schizophrénie 15 ans plus tard comparativement à ceux qui n’en ont pas usé. Le risque de schizophrénie serait augmenté en lien avec la fréquence de consommation jusqu’à six fois.

Par ailleurs, des membres de l’Association des médecins psychiatres du Québec sont convaincus que la légalisation aura pour effet d’augmenter la consommation chez les jeunes adultes ayant l’âge de consommer, mais aussi chez les jeunes n’ayant pas l’âge requis. 

Un manque de prévention préoccupant

Dre Allard s’inquiète aussi de l’absence de plan de prévention et de sensibilisation à moins d’un an de la légalisation prévue du cannabis.

«Ça lance le message que ce n’est pas grave. Le gouvernement veut légaliser le cannabis, mais il n’y a pas encore de programme de prévention. On a fait un gros cas de la cigarette, des risques de cancer associés. Le cannabis aussi entraîne d’aussi grands risques, sinon plus, de cancer des poumons. Et au-delà de la prévention sur le plan de la santé physique, il n’y a pas encore de prévention concernant la santé mentale», souligne-t-elle.

«Le message que ça envoie, c’est que c’est <@Ri>cool<@$p> de fumer du cannabis. Ce n’est pas le cas. On est aussi très inquiet des concentrations de THC dans le cannabis», ajoute-t-elle.

Car le gouvernement ouvrirait la porte à un taux maximal de 28% de THC, le composant qui entraîne le plus de dommages au cerveau. Dre Allard spécifie que le cannabis que l’on retrouve actuellement a des concentrations de THC variant entre 12% et 30%.

«Plus la concentration de THC est forte, plus il y a un risque de psychose.»

Le THC, que l’on retrouve dans le cannabis, cause notamment la réduction du volume cérébral, l’amincissement du cortex et des changements au niveau de la matière blanche du cerveau.

«La consommation de cannabis n’est pas quelque chose que l’on doit banaliser», conclut Dre Allard.

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Les psychiatres recommandent aussi…

  • Déterminer une concentration maximale de THC et l’indiquer sur l’emballage
  • Interdire toute forme de publicité, y compris sur l’emballage
  • Interdire la culture à domicile à des fins non médicales
  • Adopter un modèle de distribution sans logique de profit
  • Intégrer un programme d’éducation dans le cursus scolaire du secondaire
  • Outiller les parents
  • Déployer des campagnes de sensibilisation
  • Financer l’accès à des ressources additionnelles en santé