La couverture ambulancière déficiente en Mauricie?
La situation du service ambulancier dans la région de Trois-Rivières est devenue une source majeure de préoccupation pour les paramédics de la Mauricie et de la Rive-Sud qui plaident que la vie de nombreux citoyens est en péril et que des actions immédiates sont nécessaires pour remédier à cette crise qui perdure depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
Le Syndicat des paramédics de la Cam – CSN juge que la couverture ambulancière est déficiente et qu’elle est causée par l’utilisation de leurs effectifs afin de pallier le manque de places ainsi que le manque de personnel qui sévit au Centre hospitalier affilié universitaire régional (CHAUR) du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (MCQ).
C’est tout particulièrement le phénomène appelé la rétention que le Syndicat des paramédics de la Cam – CSN souhaite dénoncer, encore une fois. « Régulièrement, plus de 50 %, voire la totalité des effectifs et leurs ambulances sont coincés dans le garage de l’hôpital, car l’urgence ne peut prendre en charge les patients qui y sont amenés parce qu’il n’y a pas de lit disponible à l’urgence. Ces lacunes compromettent gravement la sécurité des patients en situation critique et augmentent les risques pour la santé publique, parce que pendant ce temps, on ne peut pas répondre aux appels », exprime Samuel Charpentier, vice-président du Syndicat des paramédics de la CAM – CSN.
« La rétention est devenue la norme aujourd’hui, déplore M. Charpentier. Il n’est pas rare de nous retrouver plusieurs ambulances coincées dans le garage avec notre patient sur civière en attendant que des lits se libèrent à l’urgence. Depuis des mois, on observe des temps d’attente dans le garage, devenu une salle d’attente improvisée, qui ne cessent d’augmenter. »
Des situations préoccupantes
Les situations les plus redoutées ne sont pas rares, soit que la paramédics reçoivent un appel de la centrale demandant qu’une équipe se libère, sans que cela ne soit possible. « On ne peut pas se libérer », insiste M. Charpentier. Ce sont donc les effectifs des territoires hors de la ville de Trois-Rivières qui sont appelés à répondre aux appels de hautes priorités.
« Les études démontrent que les chances de survie lors d’un arrêt cardiaque diminuent de 10 % par minute qui passe. Après dix minutes, les chances de survie sont considérées comme nulles, illustre M. Charpentier. Quand l’ambulance la plus proche part de Louiseville, Shawinigan, Batiscan ou Nicolet pour répondre à un appel à Trois-Rivières, je vous laisse imaginer le pire. »
Cette mise en situation n’est pas qu’hypothétique. Le président du Syndicat des paramédics de la CAM – CSN confirme que le 30 janvier dernier, sur l’heure du midi, les deux seules ambulances du territoire de Bécancour, qui couvrent de Pierreville à Gentilly en passant par Saint-Léonard-d’Aston, ont été retenues au CHAUR durant près de trois heures, aux côtés de la moitié des ambulances de Trois-Rivières. Trois de ces dernières ont dû attendre quatre heures.
« Il n’y a qu’une ambulance la nuit pour le secteur de Nicolet-Bécancour. Si l’ambulance va répondre à un appel à Gentilly et qu’un arrêt cardiorespiratoire survient à Nicolet, l’ambulance la plus proche partira de Trois-Rivières. Cependant, il n’y a que trois ambulances à Trois-Rivières durant la nuit. Qui va répondre à l’appel de Nicolet si elles sont retenues au CHAUR? Louiseville, Shawinigan ou Drummondville ».
« Quand je vous dis que la situation est dangereuse, ce ne sont pas des paroles en l’air, insiste le président du syndicat. En ce moment, comme paramédic, on ne peut même pas faire le métier pour lequel on est formé, c’est-à-dire répondre présent et parfois même sauver des vies. »
Le retour de la zone tampon est demandé
Le Syndicat des paramédics de la CAM – CSN et le Conseil central du Cœur du Québec – CSN demandent que les choses changent, car ils jugent que ce n’est pas la responsabilité des paramédics de pallier « le manque d’organisation du CIUSSS-MCQ ».
« Des vies sont mises en danger chaque jour et la population risque de ne pas recevoir les soins vitaux à temps en cas de besoin. Il est impératif que des mesures soient prises afin que cesse cette pratique au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec et ainsi assurer une couverture adéquate à tous les habitants de la région », ajoute Pascal Bastarache, président du Conseil central du Cœur du Québec – CSN. Ce dernier tient à ajouter qu’en rien ils ne font de reproches aux employés de l’urgence du CHAUR, mais plutôt au manque de gestion du CIUSSS-MCQ.
Le CIUSSS-MCQ a lancé un nouveau projet de coévaluation en janvier 2025, projet qui vise à optimiser l’utilisation des services préhospitaliers en permettant aux paramédics de collaborer avec une équipe dédiée d’infirmières afin de procéder à une évaluation conjointe lors d’un transport ambulancier non urgent et possiblement réorienter le patient.
Toutefois, du point de vue des paramédics, la coévaluation n’est pas la solution qui règle le problème. Samuel Charpentier rappelle que le patient doit être volontaire et accepter de ne pas être transféré au centre hospitalier. Cela demande aussi beaucoup du temps des paramédics au domicile du patient pour appeler l’infirmière, évaluer adéquatement le patient et s’assurer que sa vie ne sera pas en danger s’il est laissé à son domicile.
« Nous demandons au ministre de la Santé, Christian Dubé, d’intervenir immédiatement afin de rétablir la situation qui a atteint un seuil critique pour la population », poursuit M. Bastarache.
Ce que demandent le Syndicat des paramédics de la CAM – CSN et le Conseil central du Cœur du Québec – CSN, c’est le retour de la zone tampon dans le garage du CHAUR, comme lors de la pandémie de COVID-19. M. Charpentier explique qu’il s’agit de deux paramédics attitrés uniquement à la gestion des soins des patients qui sont en attente sur une civière dans le garage. « Le CIUSSS n’a pas voulu remettre de l’avant ce projet en nous disant qu’il existait des solutions et que la rétention n’existerait plus, déplore M. Charpentier. Ce que je remarque, c’est que ce n’est pas vrai. »
M. Bastarache croit aussi que le développement des CLSC, en y déployant les ressources nécessaires, est une piste intéressante de solution, tout comme l’ajout de services de soins de santé à domicile.
Finalement, on demande une équipe supplémentaire de nuit à Trois-Rivières ainsi qu’une équipe supplémentaire de nuit à Bécancour. M. Charpentier croit cependant qu’il ne s’agit que d’une solution temporaire, car une fois rendue au CHAUR avec un patient, elle doit elle aussi subir les contrecoups de la rétention.