La bioéconomie au coeur de la zone d’innovation
Entrepreneurs, chercheurs, experts, manufacturiers et organismes de développement économique étaient réunis au Centre de Congrès et d’Événements interactifs (CECi) de Trois-Rivières du 20 au 22 juin pour la deuxième édition du Forum Innovation sur la Bioéconomie au Québec. L’événement a permis de dresser le portrait de la bioéconomie à travers la province et de parler des projets en développement. Il a notamment été question du projet de zone d’innovation pour la région.
D’abord, il faut comprendre que la bioéconomie est une économie respectueuse de l’environnement qui utilise de façon plus efficace les ressources naturelles. De manière plus précise, l’objectif est de passer d’une économie dépendante des ressources fossiles à une économie basée sur la biomasse.
Professeur et chercheur à l’UQTR, Simon Barnabé a expliqué de quelles façons la zone d’innovation miserait sur la bioéconomie. « Cette zone aura un rôle à jouer sur la bioéconomie. On veut, entre autres, travailler sur le développement de nouvelles générations de batteries fabriquées au Québec. On veut travailler beaucoup sur le recyclage des composantes des batteries, surtout les concevoir pour les rendre plus durables et recyclables », mentionne-t-il.
Le professeur ajoute que l’un des objectifs de la zone est de réduire le coût de production de l’hydrogène. « On aimerait avoir une giga-usine de fabrication d’électrolyseurs (systèmes qui utilisent l’électricité pour séparer l’eau en hydrogène et oxygène). On travaille beaucoup en ce sens, indique M. Barnabé. Il y aura un très gros accent sur le développement de matériaux biosourcés, pour des composantes de batterie et les électrolyseurs. On va travailler sur la production de biohydrogène à partir de biomasse. » Il est également question de remplacer le charbon fossile par de la biomasse.
Rappelons qu’en avril dernier, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et les villes de Trois-Rivières, Shawinigan et Bécancour annonçaient leur union afin de présenter au gouvernement un nouveau projet de zone d’innovation dédiée à la transition énergétique.
Ce grand projet de zone d’innovation, nommé la Vallée de la transition énergétique, permettrait à l’UQTR comme aux villes d’attirer des talents, des entrepreneurs et des chercheurs du Québec et d’ailleurs. Les trois villes concernées entrevoient avec beaucoup d’optimisme les retombées dans chacun des endroits.
Présenté en 2018 par le gouvernement du Québec, le projet de zone d’innovation a pour objectif de réunir des conditions propices à l’innovation et au rayonnement international. Dans la région, on espère une annonce très prochainement.
Portrait de la bioéconomie dans la région
Le Forum Innovation sur la Bioéconomie au Québec a mis en lumière les différentes initiatives dans la région. « En Mauricie, on contribue à la bioéconomie depuis très longtemps, fait remarquer Simon Barnabé, professeur au Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR. Ç’a commencé, entre autres, avec les draveurs qui acheminaient les pitounes dans les papetières le long de la rivière Saint-Maurice. Ç’a permis à l’industrie papetière d’être florissante. »
« Dans les années 70, l’UQTR et le Centre de recherche en pâtes et papiers ont été créés, poursuit ce dernier. Quelques années plus tard, le Cégep a emboîté le pas en créant son premier centre collégial de transfert technologique, qui est devenu plus tard Innofibre. Évidemment, le projet de Bioénergie La Tuque est un pas majeur dans la région et dans la bioéconomie du Québec. «
Pour M. Barnabé, ce qui est particulièrement intéressant en Mauricie, c’est la synergie entre les chercheurs universitaires et collégiaux. « Nos études nous aident à chiffrer nos forces. Ça regroupe plus de 160 chercheurs. On a aussi un bel écosystème avec les entreprises. On sait que la bioéconomie, c’est plus de 2500 emplois dans la région pour le moment. On a l’ambition de devenir un pôle de la bioéconomie. On fait ça aussi pour, éventuellement, que chaque région dresse un portrait de la situation et tous ensemble déployer une stratégie québécoise sur la bioéconomie », soutient le chercheur.
Directeur chez Innofibre (centre d’innovation des produits cellulosiques), Jean-Philippe Jacques croit que si l’on combine l’hydroélectricité et les bioressources du Québec, on a tout en main pour être des précurseurs et se démarquer au niveau de la bioéconomie.
« Ensemble, on pourrait avoir un positionnement très fort à l’international parce que peu d’endroits dans le monde ont l’hydroélectricité et les bioressources disponibles au même endroit, dit-il. En plus, ça répond à des enjeux actuels économiques et environnementaux. »
Selon lui, l’enjeu est que les chercheurs et les acteurs de l’industrie arrivent à travailler ensemble, vers un but commun. « Le défi, c’est de se parler, illustre-t-il simplement. C’est d’être en mesure d’adapter la recherche aux attentes de l’industrie et que celle-ci soit capable d’expliquer ses besoins. Si on réussit à se parler et se comprendre, on ira loin. Ça nous prend une volonté du gouvernement de vouloir aller vers cette avenue. »
Kruger, une entreprise qui se démarque
L’entreprise Kruger est l’une de celles à Trois-Rivières qui se démarquent dans le domaine de la bioéconomie. Maxime Cossette, vice-président corporatif, fibres, biomatériaux et durabilité chez Kruger, a pris la parole lors du forum pour présenter les projets de l’entreprise.
« On met en marché des matières qui sont de source renouvelable, mais qui sont aussi renouvelables, mentionne-t-il. On a investi 370 M$ dans les cinq dernières années, notamment pour convertir la machine à papier journal numéro 10. On a fait la conversion complète en 2016-2017 pour produire du carton 100% recyclé. On en produit 400 000 tonnes annuellement. »
L’usine est alimentée principalement à partir de la collecte sélective, ce qui se retrouve dans les bacs bleus. « On est le plus important recycleur au Canada, on recycle 850 000 tonnes de carton et de papier chaque année. On aurait suffisamment de carton et de papier au Québec pour alimenter l’usine parce qu’on en génère plus de 1,2 million de tonnes par année. Malheureusement, 60 % de notre approvisionnement provient des États-Unis. »
Pourquoi? À cause de la collecte sélective. « Il faut garder en tête que c’est des humains qui s’occupent de la collecte et du tri. Avec Innofibre, on regarde pour optimiser le tri parce qu’on sait que la matière va se dégrader avec la pénurie de main-d’oeuvre. Il y a de moins en moins de gens ouverts à passer leurs journées debout à trier des morceaux de plastique d’un bac pêle-mêle », explique M. Cossette.
Selon lui, il faut investir davantage dans l’automatisation et miser sur l’intelligence artificielle pour être en mesure d’approvisionner les usines avec de la fibre de qualité.