«J’appelle ça une économie de redevance»

PARCOURS D’ENTREPRENEUR. Il y a 20 ans, Alain Levasseur a décidé de fonder le Service d’intégration au travail (SIT) pour permettre aux personnes souffrant d’un trouble de santé mentale de travailler.

«Je travaillais au Centre Le Havre et je remarquais qu’il y avait un taux de récurrence important parmi les résidents. Quand je leur demandais ce que je pouvais faire pour les aider, ils me répondaient: «Trouve-moi une blonde…et une job.» Pour la blonde, je ne pouvais pas faire grand-chose, mais pour la job, je me disais qu’on pouvait construire quelque chose ensemble», raconte Alain Levasseur.

Le problème, c’est que plusieurs employeurs ne souhaitaient pas les engager. «Je me suis rendu compte que ceux qui étaient le plus dans le besoin étaient ceux avec une problématique de santé mentale.»

C’est là que l’idée de fonder un organisme d’économie sociale est née. «J’appelle ça une économie de redevance», précise-t-il.

Mais il y a 20 ans, le caractère novateur du projet ne cadrait pas dans beaucoup de programmes de subvention.

«Au départ, peu de gens croyaient à la capacité des personnes ayant un trouble de santé mentale à se maintenir au travail. Ce n’est pas évident pour eux de travailler tous les jours. Il faut adapter le travail aux capacités de chacun. Le premier qui a cru en nous, c’est Guy Godin de l’Agence de la santé, aujourd’hui au CIUSSS. Il a levé la main pour nous aider et on a pu obtenir une subvention de 23 000$. Par la suite, ça n’a pas été simple de rallier les autres ministères à notre cause. À l’époque, ce n’était pas facile de comprendre et de diagnostiquer les troubles de santé mentale», explique M. Levasseur.

En expansion

Aujourd’hui, le SIT dessert 72 clients en Amérique du Nord et en Amérique latine et regroupe 252 travailleurs à travers cinq points de service répartis dans la région. «Je voulais avoir 1000 travailleurs. Je n’y renonce pas.»

 

Alain Levasseur n’a jamais voulu se contenter de seulement récolter de petits contrats en sous-traitance pour ses employés.

Au fil des années, il a gagné la confiance de gros joueurs sur le marché des télécommunications, notamment Québécor et Vidéotron qui ont été les premiers à faire confiance au SIT pour récupérer du matériel de télécommunication dans son centre de service du boul. Parent.

Depuis février, Cogeco fait également appel aux services du SIT pour entreposer du matériel et pour renvoyer du matériel maintenant désuet au Québec vers des marchés internationaux où ces technologies sont les bienvenues.

«Les gens sont heureux ici. Il y a une bonne ambiance. La job n’est pourtant pas facile, mais on l’a adaptée aux capacités de chacun. Ils rentrent tous dans les délais. Ils développent une expertise et la partage aux nouveaux. Ça les valorise. Je me rends compte qu’ils se sont accaparés le milieu. Ils ne veulent pas décevoir les clients et être partenaires du développement.»

Faire éclater les conventions

Son conseil aux jeunes entrepreneurs: oser et faire éclater les conventions.

«Ici, il faut avoir du travail pour tout le monde. Il faut aller au-delà des normes. Je pense qu’on n’y serait pas arrivé si on était resté cloisonné dans les normes. Il ne faut pas avoir peur d’oser et faire éclater les conventions. Parfois, il faut construire la réponse au problème», conclut Alain Levasseur.