« Il y a toujours de l’espoir, il faut juste y croire »

Parmi tous les choix de carrière s’offrant à eux, Lisa-Mary, Geneviève et Alexandre n’ont pas choisi l’emploi le plus facile. Mais à la fin de la journée, ils ont un sentiment commun qui les habite, soit celui d’avoir fait la différence dans la vie des gens.

La 20e Journée mondiale de la prévention du suicide se tiendra ce samedi 10 septembre sous le thème « Ravive TA flamme ». Les directions de la Fondation et du Centre de prévention du suicide Accalmie (CPSA) ont pris cette thématique au sérieux et ont choisi de raviver la flamme des membres du personnel et des conseils d’administration en organisant un dîner-causerie et une activité de reconnaissance, leur permettant ainsi de se rassembler et passer un moment de qualité tous ensemble. L’Hebdo Journal a eu l’occasion de s’entretenir avec trois intervenants.

« Souvent, les gens et même nos proches vont avoir comme premier réflexe de dire « Ouf, ça doit être lourd et tes journées doivent être longues », mais ce n’est pas la réalité. Entre nous, l’humour est bien utilisé pour désamorcer et nous aider à rationaliser. On travaille dans une équipe avec qui on a beaucoup de plaisir. Nous sommes là pour aider les gens à retrouver de l’espoir et à faire des interventions pour les rattacher à cet espoir-là. Il y a toujours de l’espoir, il faut juste y croire. Lorsque notre quotidien est de travailler sur l’espoir, il n’y a rien de lourd là-dedans », explique Geneviève Moreau-Blier, conseillère clinique et formatrice agréée qui compte 17 ans d’expérience au CPSA où on retrouve sept places en hébergement (21 jours maximum), bientôt neuf.

« Lorsqu’on arrive au centre d’hébergement, les gens ne sont pas couchés en boule, renchérit Lisa-Mary Dubois, intervenante sociale au CPSA depuis bientôt six ans. Il y a une vie de groupe, une dynamique entre les usagers et beaucoup d’entraide entre eux. Celui qui est là depuis le jour 15 est en mesure d’aider la personne qui en est au jour 1 et qui ne voudrait pas nécessairement rester. On s’occupe bien d’eux, mais on est un milieu qui prône aussi l’autonomie. Ils ne sont pas en prison pendant 21 jours. C’est volontaire. Sur le plan du travail, moi ce que j’aime, c’est qu’on a une variété dans le déroulement des tâches. Il n’y a pas une journée identique. J’aime aussi la liberté que nous avons, par exemple, si je veux créer un atelier, ou encore cette liberté dans le partage des tâches. »

À l’échelle mondiale, un million de suicides ont lieu chaque année. On estime qu’un suicide a lieu toutes les 40 secondes et une tentative a lieu toutes les trois secondes. Le nombre d’interventions réalisées par l’équipe du CPSA est tout aussi impressionnant. Seulement depuis le début de la pandémie, plus de 33 000 interventions ont été recensées. 

« Un appel va souvent commencer de manière lourde, car tu accueilles la crise. Au fil de la discussion, on trouve des solutions et tu fais raviver l’espoir chez la personne. Les appels commencent lourds, mais finissent légers. Au fil de la journée, c’est un sentiment qui se répète d’aller chercher la légèreté. C’est très gratifiant comme travail et c’est même un emploi qui m’aide dans ma vie personnelle », témoigne pour sa part Alexandre Yaworski, intervenant social au CPSA depuis un an.

« Pour ce qui est des appels, non seulement la pandémie a joué sur le nombre d’appels, mais aussi lorsqu’il y a des suicides qui sont trop médiatisés ou de personnes connues, explique Geneviève. On l’a vu lorsque Gaétan Girouard s’est enlevé la vie. On a reçu une vague d’appels d’hommes dans la quarantaine, tout comme lorsque Dédé Fortin est passé à l’acte, mais dans son cas, on l’a un peu moins ressenti parce que je crois qu’ils avaient mis beaucoup plus d’emphase sur les endeuillés qui l’entouraient. »

Le CPSA reçoit plusieurs appels annuellement, le nombre ayant d’ailleurs augmenté de 26% durant la pandémie. L’âge des appelants est variable alors il peut soit s’agir d’une fillette de 13 ans, ou encore d’un aîné de 81 ans. 

« On reçoit toute sorte d’appels également, et souvent, ce sont des appels de proches qui s’inquiètent. Dernièrement, je parlais avec une dame qui voulait se baigner depuis tant d’années chez sa sœur, mais elle n’avait jamais porté de costume de bain parce qu’elle était complexée. Le fait d’en parler a entraîné un déclic et je lui ai offert d’aller acheter un costume de bain avec elle. Elle s’est baignée tout l’été, après 25 ans de retenue, et elle m’a envoyé une photo. Sérieux, j’ai eu une petite larme », raconte Lisa-Mary.

« On n’a pas toujours de feedbacks, malheureusement. Dernièrement, on a des nouvelles d’une personne qui, deux ans plus tôt, plusieurs professionnels lui donnaient un pronostic très négatif concernant son espérance de vie. Il s’est repris en main, il participe à plusieurs activités pour se maintenir actif et il a de belles réussites actuellement dans sa vie. On me le décrivait comme la joie de vivre, mais on n’aurait jamais pensé ça il y a deux ans. C’est ça croire à la résilience et c’est ça garder espoir », conclut Geneviève.

Notez que le CPSA offre plusieurs services, notamment de l’aide aux gens avec des idées suicidaires, aux endeuillés par suicide et aux proches, ainsi qu’aux partenaires, incluant des intervenants des autres milieux. Ses intervenants peuvent également se déplacer pour offrir des présentations, comme dans certaines résidences, maisons des jeunes ou organismes, entre autres. Pour toutes autres informations ou pour demander de l’aide, visitez le https://preventiondusuicide.com/