Il y a 100 ans, on inaugurait le Pont des chapelets

Le 15 août 1924, 25 000 personnes assistent à l’inauguration du -Pont des chapelets au -Sanctuaire -Notre-Dame–du-Cap. Il a été construit pour commémorer le prodige du pont de glace de mars 1879 qui avait permis le transport des pierres destinées à la construction de la nouvelle église.

On croyait bien que les températures en cette fin d’hiver 1879 étaient trop douces pour espérer la formation d’un pont de glace, raconte l’historien -René -Beaudoin, responsable des archives et des collections du -Sanctuaire -Notre-Dame–du-Cap.

« -Il y a toujours eu, à chaque année, un pont de glace qui s’est fait à la hauteur de -Cap-de–la-Madeleine, comme à la hauteur de -Trois-Rivières, -Champlain, -Batiscan, etc. Chaque localité avait son pont de glace pour accéder à l’autre côté du fleuve -Saint-Laurent. Ce qui fait la particularité de celui de 1879, c’est qu’il faisait tellement chaud cet -hiver-là, c’était impossible qu’un pont de glace puisse prendre. C’était un phénomène assez généralisé entre -Québec et -Montréal. Alors que tout le monde est découragé, M. le curé dit : -Lâchez pas ! -Continuons à dire le chapelet. Sinon ça va retarder d’une autre année nos travaux de construction de l’église. Et là, il s’est mis à faire froid. »

M. Beaudoin s’est amusé à comparer les températures de -Québec et -Montréal au même moment.

« -Il faisait beaucoup plus froid ici, c’était six ou sept degrés de moins. Ils se sont aperçus qu’il y avait des morceaux de glace accumulés dans le fleuve puis tout le monde s’est mis de la partie pour arroser, épaissir la glace. C’est impressionnant, un pont de glace de la largeur du fleuve en face de de la -Basilique. Ça s’est tout fait à la chaudière, il n’y avait pas les pompes qu’on a aujourd’hui. Je les imagine, toutes ces -chaudières-là, attachées au bout de cordes, pour aller chercher l’eau dans le fleuve et la verser. Quel travail ils ont fait ! C’était un rêve insensé auquel ils ont cru. Pendant que les enfants et les hommes travaillaient sur le pont de glace, les femmes, -dit-on, étaient à l’intérieur des maisons en train de réciter les chapelets. L’histoire ne les a pas rapportées, mais il a dû y en avoir une couple qui sont allées donner un coup de main pour construire ce pont de -glace-là. »

Par la suite, suffisamment de pierres ont pu être transportées pour construire les fondations de l’église.

« -Ils ont même pu monter les murs jusqu’au bas des fenêtres. Ça suppose qu’ils en ont voyagé tout un coup pour y parvenir. Ç’a tellement frappé l’imaginaire que des gens sont partis, dès le beau temps arrivé, pour venir au -Cap-de–la-Madeleine voir de leurs yeux ce qu’ils avaient lu dans le journal. Durant l’été aussi, les gens venaient voir ça, et c’est cet -élan-là qui n’a jamais pris fin, parce que c’est devenu un lieu de pèlerinage. C’est un des événements fondateurs du -Sanctuaire, du lieu de pèlerinage qu’on connaît aujourd’hui. »

On considère que le pont de glace constitué à l’hiver 1879 est un prodige, quelque chose de proche du miracle.

« -On appelle ça un prodige. Quand on appelle ça un miracle, c’est que l’Église a statué -là-dessus. Un prodige, c’est aussi un événement extraordinaire, mais pour lequel il n’y a pas eu de reconnaissance officielle. »

La campagne de financement du -Pont des chapelets s’est étalée sur une vingtaine d’années. On le « fragmentait » comme autant de parties à financer, « une poutre ça coûte 20 $, une colonne ça coûte 200 $ ».

« -Il y avait deux statues à financer, la statue de -Marie et la statue de -Saint-Joseph. La rue -Thibeau, c’est -Valère -Thibeau. Sa femme, -Sarah -Deschênes, c’est elle qui a payé pour la statue de -Marie. Et la statue de -Saint-Joseph, c’est quelqu’un, on ne sait pas, de -Woonsocket, aux -États-Unis, qui l’a payée. Ça montre le caractère international de ce pont -commémoratif-là. Il y a eu des gens du -Québec, d’autres provinces canadiennes et des -États-Unis qui ont contribué à la campagne. Ça montre le rayonnement que -Notre-Dame–du-Cap, déjà à ce -moment-là, avait. »

Cent ans après son inauguration, le -Pont des chapelets est encore au cœur de la vie du -Sanctuaire.

« -Ceux qui viennent faire leur pratique religieuse, ou même ceux qui viennent simplement profiter du terrain parce que c’est un beau parc, on voit comment tout le monde est attaché à cette -structure-là qui est assez exceptionnelle. Ils auraient pu rappeler le pont de glace simplement par un monument ou une plaque, mais ils décident de faire une structure aussi impressionnante que le -Pont des chapelets. Ça illustre comment, en 1924, c’est un événement qu’on considérait encore grandiose. Je pense qu’il y a encore cet attachement que les gens ont, cette -mémoire-là d’un événement que la foi explique par la protection de -Marie et de -Saint-Joseph. Il y a ce regard particulier de dire que quelque chose qu’on peut difficilement expliquer s’est passé. Ça prenait un monument extraordinaire pour le représenter. »