Il change de sexe à l’aube de ses 60 ans
TRANSGENRE. Le Trifluvien Guy (nom fictif) a vécu près de 60 ans dans un corps qui n’est pas le sien. Il y a trois mois, à 57 ans, Guy a décidé de se choisir et de devenir, enfin, Francine (nom fictif).
Tranquillement, le corps de Francine se transforme. «J’ai commencé l’hormonothérapie il y a trois mois, dit-elle. On me donne de l’estrogène et quelque chose pour bloquer la testostérone. Ça fonctionne très bien dans mon cas. Je commence à avoir des seins, j’approche du bonnet A. Ça va prendre environ deux ans avant que mes seins soient complètement développés.»
Éventuellement, Francine subira la grande opération, la vaginoplastie. «Le changement de sexe, c’est la seule possibilité pour d’accéder au bonheur. Guy, ça fait référence à un passé sombre et triste. Francine, c’est la possibilité d’aller vers les autres et la possibilité de s’épanouir. Francine a la chance de se faire une belle vie. C’est la seule façon de redevenir un peu humaine.»
C’est à l’adolescence, vers l’âge de 15 ans, que Guy avait pour la première fois exprimé ce qu’il ressentait à l’intérieur quant à son identité. «En secondaire 3, j’avais dit à ma mère que je me sentirais plus à l’aise dans le corps d’une femme. La réponse à ça a été que le chum de ma mère est venu me voir complètement nu. Il m’a regardé et m’a demandé si c’était ça que j’aimais.»
Secoué par la situation, l’adolescent s’était alors refermé sur lui-même. «Souvent, les gens ne comprennent pas et voient ça comme de l’orientation sexuelle au lieu de voir ça comme de l’identité sexuelle. Ce n’est pas du tout la même affaire.»
Un pas en avant, deux pas en arrière
Dans les années 80, il a entrepris des études en psychologie au Cégep de Trois-Rivières. «Pour la première fois, un psychologue spécialiste du comportement sexuel est venu me voir avec trois livres sur les transgenres. Il m’a dit de lire ça, que j’allais me reconnaître. J’avais à peu près 22 ans.»
À cette époque, Guy était loin de réaliser que ce professeur allait jouer un rôle important dans sa vie. «Ce que ce professeur a fait ce jour-là était le début d’un tournant dans ma vie. C’était ma première démarche, mon premier contact réel avec ça. Pendant tout mon parcours collégial, j’ai été en démarches avec un psychologue qui a confirmé le diagnostic.»
Toutefois, ce diagnostic ne présageait pas un avenir heureux. «On m’a dit que mes perspectives de carrière et d’avenir en tant que femme, c’était la prostitution et d’être une sous-femme parce que les hommes s’attendraient que je sois plus docile face à leurs exigences. C’était comme ça à l’époque. Je voulais intégrer mon côté féminin, mais je voulais par-dessus tout rester moi-même. Je ne voulais pas être une sous-femme, être diminuée. En gros, on me proposait d’être un genre de poupée gonflable. Je ne voulais pas ça.»
Une sexualité complexe
Quelques années plus tard, Guy a rencontré une femme avec laquelle il a fait un bout de chemin. «On n’en parlait pas, mais je me dis qu’elle le savait parce qu’elle me parlait au féminin parfois. On est resté 10 ans ensemble. Par la suite, j’ai rencontré une autre femme, mais j’avais toujours le même problème : je n’étais pas capable d’éjaculer lors de relations sexuelles. Cette autre femme m’avait mis en contact avec des hommes. Ça fonctionnait un peu plus, mais je n’étais pas capable de me voir en couple avec ces hommes-là.»
Se retrouvant donc devant une situation insoutenable, il décide de partir pour Vancouver en laissant tous ses biens derrière lui. «En débarquant du train, un homme m’a dit qu’il y avait des toilettes pour transgenre que je pouvais utiliser sans gêne. J’ai vraiment été surpris de constater qu’il avait vu qui j’étais vraiment alors que je ne l’assumais pas encore.»
«À Vancouver, avant de revenir à Trois-Rivières, j’avais commencé à me renseigner sur les démarches à entreprendre pour un changement de sexe, raconte Francine. J’ai été référé à Montréal puisque toutes les transformations se font là. Avant, je ne voulais pas entreprendre les démarches pour ne pas devoir me soumettre à un homme. Mais à l’âge que j’ai, je n’ai plus rien à perdre.»
Une orientation sexuelle inconnue
À ce jour, Francine ne connait toujours pas son orientation sexuelle. «Le premier organe sexuel, c’est le cerveau. Tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant, c’est un peu de la comédie parce que je n’ai jamais vécu une sexualité en fonction de l’identité que mon cerveau reconnait. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je ne sais pas si j’aime les hommes ou les femmes.»
«Je suis en train de découvrir ma sexualité autrement. Le concept d’orgasme, c’est vague dans ma tête. Je n’ai jamais joui. J’ai des érections, mais pas d’orgasme. Jusqu’à maintenant, dans toutes mes relations sexuelles, c’était comme si je jouais un rôle», conclut-elle.