Il a conçu le centre-ville de Lac-Mégantic

Débarqué à Lac-Mégantic en 1953 pour y travailler sur les plans directeurs d’urbanisme, plans de développement de la ville, l’urbaniste et architecte paysagiste Benoît Bégin se rappelle de son séjour dans l’ancien centre-ville qu’il a contribué à établir et qui aujourd’hui, n’est plus qu’un tas de poussière rappelant la terrible nuit du 6 juillet 2013.

«Ça a fait un pincement de voir disparaître le centre-ville. C’est un gros drame», confie le trifluvien d’origine qui habite maintenant Saint-Charles-Borromée.

«La population vit en marge. Ce n’est pas un endroit qui peut compter sur un réseau de villes voisines très développées. Ils sont héroïques de vivre comme ça», rapporte-t-il.

D’un point de vue strictement urbaniste, M. Bégin concède que le scénario d’un train passant en plein centre-ville n’était pas idéal.

«Ça agaçait tout le monde, bien sûr, mais il n’y avait rien à faire. C’était là pour des raisons économiques et historiques. La ville n’avait pas les moyens de déplacer ça et elle se débrouillait bien dans les circonstances. À l’époque, elle n’avait pas les moyens de faire autre chose», confie le nonagénaire.

@ST:Des gens différents

@R:Appelé à contribuer sur le développement de la municipalité, Benoît Bégin se souvient d’une ville dont les citoyens s’affichaient avant-gardistes.

«Pour son époque, elle était avant-gardiste. C’était une petite ville, près de la frontière, qui engageait un urbaniste pour diriger son développement, ce qui ne se faisait pas vraiment à l’époque. L’idée, c’était de prévoir les coûts et de développer le futur pour donner une prospérité.»

«C’était une petite ville industrielle qui dépendait du bois et qui faisait des affaires avec le Vermont notamment. Elle démontrait un esprit nouveau d’entrepreneurship. J’avais beaucoup d’admiration pour le conseil municipal de l’époque. Je sentais une différence dans leur mentalité comparativement à d’autres villes bien plus grosses», se remémore-t-il.

@ST:Rebâtir, encore

@R:Au début des années 1950, Benoît Bégin se rendait en Estrie pour donner ses idées sur l’avenir de Lac-Mégantic. Aujourd’hui, d’autres comme lui jadis, devront étaler leur savoir-faire pour poursuivre la reconstruction du centre-ville.

«À l’époque, le conseil municipal voulait redonner un caractère au centre-ville. Il y avait beaucoup de travail à faire. Il fallait entre autres transporter le centre culturel au centre-ville, ce qui était un élément important de leur commande. Il y avait en plus, comme aujourd’hui, un terrain accidenté, en pente, dont il fallait épouser les courbes et le contour», explique-t-il.

Questionné à savoir comment devrait se dresser le nouveau centre-ville de l’endroit, M. Bégin se fait prudent et rationnalise.

«C’est très triste, mais c’est un accident. Il ne faut pas virer le monde à l’envers parce qu’il y a eu un accident. Ça avait toujours fonctionné avant, sans accident, mais là, il a fallu un train fou, un hasard de l’histoire pour tout chambouler.»

L’important pour lui est de respecter le désir des citoyens qui vivent quotidiennement avec un double-deuil : la perte d’un être cher et celui d’un milieu de vie, le centre-ville.

«Il faut voir l’attitude de la population. Un nouveau centre-ville, c’est bien, mais si la population n’en veut pas… Il y a beaucoup d’intérêts d’impliqués là-dedans», prévient-il, en conclusion.