Entrepreneurs, contre vents et marées

Depuis leurs débuts en entrepreneuriat, il y a douze ans, Julie Fournier et Stéphane Thériault ont fait face à de multiples embûches. Pour en arriver là où ils sont aujourd’hui, ils en ont bavé. Propriétaires de l’entreprise Les Délices du Boucher sur la rue Notre-Dame Ouest, ils ont toujours su puiser en eux la force et la passion nécessaires pour continuer d’avancer. Et maintenant, le soleil se pointe à l’horizon.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Julie Fournier a toujours voulu travailler en alimentation. « Mon père, qui est décédé maintenant, ne voulait pas, raconte-t-elle. Il me disait que je travaillerais les soirs et les fins de semaine, que je travaillerais beaucoup plus fort et que je n’aurais pas un gros salaire. Il avait parfaitement raison. Mais là où il n’avait pas raison, c’est que j’aimais ça. »

Alors elle a fait ses études dans le domaine dentaire, domaine dans lequel elle a par la suite travaillé pendant 18 ans. Mais sa passion ne l’a pas quittée pour autant. « Je prenais des cours de cuisine de soir et plein d’autres cours en lien avec le domaine alimentaire, dit-elle. J’ai même travaillé pour une agence de dégustation, ce qui m’a amené à créer une petite entreprise de dégustation. Ça m’a permis de découvrir plein de petits producteurs régionaux. »

À l’époque, son conjoint Stéphane a travaillé pour de grosses entreprises en alimentation, dont Saputo et Olymel. Le couple habitait Montréal, mais avait le désir de revenir dans la région. « Chez Olymel, Stéphane a travaillé dans le département de la viande. Ça l’a passionné beaucoup, au point où il a décidé de faire son cours de boucherie, indique Julie. Il est retourné sur les bancs d’école à 40 ans. Il n’avait pas de secondaire 5. C’était un gros défi pour lui, qu’il a relevé haut la main. »

C’est à la fin de ses études en boucherie que le couple a décidé de se lancer en affaires. Ils ont débuté tout doucement, dans le sous-sol de leur maison, à Sainte-Angèle, sur la rive sud de Trois-Rivières. « On a acheté l’équipement d’une boucherie qui a fermé ses portes à Sorel, mentionne Julie. On ne voulait pas de dette, alors on a acheté tout le matériel petit à petit. Chaque fois qu’on avait un peu d’argent, on achetait une machine. On s’était loué un garage et on mettait tout ça là-dedans. »

« Quand on a commencé, Stéphane a conçu la chambre froide lui-même, poursuit cette dernière. C’était tout petit chez nous. Ça ne pouvait pas être plus rudimentaire. On avait quelques clients, dont les frères du Mont-Bénilde qui venaient acheter des pâtés et plein d’autres produits à la boucherie. »

Un premier déménagement

Après environ un an et demi à opérer dans leur sous-sol, les frères leur proposent de louer à très bas prix leur grande cuisine commerciale. « Ça nous a permis de développer grandement notre offre, dont la viande sauvage, affirme Julie. On était sur une belle lancée quand les frères nous ont annoncé qu’ils vendaient. On a pleuré. On avait pour projet de partir une boucherie mobile, mais c’est tombé à l’eau. On a eu de la difficulté par la suite. Ç’a été des années très difficiles. Notre loyer qu’on payait 1500 $ était rendu à 6000 $ par mois. On arrivait à peine à manger trois repas par jour. »

Jusqu’au jour où Bernard Lampron, ancien propriétaire de la Rose d’or à Trois-Rivières, débarque à tout hasard au Mont-Bénilde et propose au couple de prendre quelques contrats de traiteur. « Il m’a donné des trucs et des façons de faire pour m’améliorer, souligne Julie. Il a été un vrai bon mentor pour moi. Il m’a vraiment propulsé dans mon service traiteur. »

C’est ce même homme qui leur a déniché le bâtiment où se trouve actuellement leur commerce sur la rue Notre-Dame Ouest. « Un jour, il débarque au Mont-Bénilde, il voit qu’on est au bout du rouleau et sur le bord de tout lâcher et il nous dit qu’on ne peut pas faire ça, qu’on a tout investi dans notre entreprise, raconte Julie. On vient donc visiter le bâtiment avec lui. »

« On n’avait pas les moyens de l’acheter, mais les anciens propriétaires de l’endroit ont accepté de nous louer pour deux ans avec promesse d’achat après, ajoute-t-elle. On est donc arrivé ici en 2019. En déménageant ici, on changeait de rive, on mettait le compteur à zéro. »

Autres coups durs

Puis, comme bien des entreprises, la pandémie a frappé de plein fouet ce duo d’entrepreneurs qui commençait à reprendre le dessus. « Tranquillement, on était en train de rebâtir notre clientèle. En janvier 2020, on a acheté la Boucherie Alex Lamy au centre-ville de Trois-Rivières pour avoir du volume et aider Les Délices du Boucher. Mais arrive la pandémie et on n’a pas eu droit à une seule subvention. Comme on repartait à zéro, on était en croissance sur papier, nos chiffres montaient. Donc aucune aide possible », explique Julie.

Encore une fois, Julie et Stéphane ont refusé de baisser les bras. « On s’est battu, lance Julie. La pandémie a frappé durement la Boucherie Alex Lamy. Ici, après un an de pandémie, les affaires ont repris, mais pas là-bas. Le 31 décembre dernier, on a pris la décision de mettre la clé sous la porte de la boucherie au centre-ville. On a pris deux semaines pour y réfléchir. C’était la pire des déceptions. On s’est remis en question. Mais il faut croire qu’on aime encore ça parce qu’on se bat encore. »

Après la pluie, le beau temps

À l’inverse de ce qui était prévu au départ, c’est finalement l’entreprise Les Délices du Boucher qui va sauver la Boucherie Alex Lamy. Eh oui, le commerce revivra. Mais avec une formule différente. « On va rouvrir, confirme Julie. On va repartir le centre-ville, en juin si tout va bien. Ce sera différent. Ce sera une succursale des Délices du Boucher. On va y aller avec ce qui fonctionne bien là-bas et on va mettre quelques tables pour dépanner les gens qui veulent manger rapidement. »

D’autres beaux projets se pointent à l’horizon, mais il est encore trop tôt pour en parler. « Quand je regarde tout le chemin qu’on a fait en douze ans, avoir su tout ce qu’on a vécu, je n’aurais jamais osé me lancer là-dedans. Maintenant, on prend ça une journée à la fois. Il y a de belles choses qui arrivent, le soleil se pointe chez nous », conclut Julie Fournier.