Elle aide les parents aux prises avec des problèmes de consommation
Guylaine Bellemare œuvre au Centre multiservices de santé et de services sociaux Saint-Joseph en tant qu’agente de relations humaines. Dans le cadre de ses fonctions, elle intervient auprès de parents d’enfants de 6 à 12 ans ayant un trouble d’usage de substances.
Guylaine Bellemare donne des formations partout au Québec et elle vient en aide aux gens qui vivent avec un traumatisme crânien, mais la majorité de sa charge de travail est consacrée aux parents dépendants qui manifestent le désir d’entreprendre une démarche.
« Quand les gens appellent pour avoir un service, souvent la situation est détériorée. Ils n’appellent pas au début parce qu’ils veulent s’en sortir par eux-mêmes. Ils sont remplis de culpabilité donc ils vont le cacher à leur entourage. Et à un moment donné, il arrive un événement déclencheur: un signalement à la DPJ, un événement de violence, ils vont péter la balloune. Et là ils se disent: c’est assez. Puis, ils appellent. La situation s’est détériorée. Il faut les accueillir comme ça. Souvent, ils arrivent ici avec beaucoup de honte. »
En aidant les parents, Guylaine garde en tête les impacts que de telles situations peuvent avoir sur les enfants.
« Généralement, je vais demander à rencontrer la famille, les enfants, parce que les enfants vivent des méfaits de la consommation de leurs parents. Ces enfants-là en ont long à dire, car ils portent une charge. Ils portent une charge de conflit entre les parents puis une charge de voir le ou les parents en état de consommation. Les enfants, souvent, ils deviennent des petits adultes. Ils peuvent être très anxieux et développer des troubles psychosomatiques. Ils peuvent se sentir un peu responsables de leurs parents. »
Les tabous autour de la dépendance à l’alcool ou aux drogues sont encore très présents même chez ceux et celles qui consultent.
« Ils ont l’impression que s’ils avaient le cancer, ils auraient la sympathie des gens. Mais vu que c’est de la dépendance… Encore aujourd’hui, parfois ils sont perçus comme des lâches: »Voyons donc, arrête de consommer, puis c’est facile ». Moi je brise ce tabou-là et je leur d’être fiers de la démarche qu’ils font, qu’ils n’ont pas idée de ce que ça va leur apporter plus tard, qu’il faut qu’ils se donnent le temps de prendre le temps. Parce que les gens veulent faire un marathon, mais ils n’ont pas couru deux kilomètres encore. »
Un premier pas difficile
Guylaine admet que pour eux, le premier pas est le plus difficile.
« Une fois qu’ils l’ont fait, ils arrivent dans mon bureau, ils relâchent, puis, on devient une équipe. Je m’adapte à chaque personne, chaque situation, chaque contexte. Je dois vraiment offrir quelque chose qui est personnalisé. Je veux qu’ils comprennent que je suis là pour eux. »
S’ils sont en consultation avec Guylaine, c’est qu’ils sont parents d’enfants âgés entre 6 et 12 ans.
« Les parents me disent toujours: »Mais je ne sniffe pas devant mon enfant. » Oui, mais l’enfant subit des conséquences. Puis c’est là qu’on en parle. C’est là qu’ils en prennent encore plus conscience, mais c’est souffrant. C’est pour ça qu’ils se sentent coupables. Ils préfèrent être dans l’évitement parce que c’est souffrant de dire ce que l’enfant subit par rapport à la dépendance. Sauf qu’une fois qu’on l’admet, on peut travailler de belles choses ensemble. Je ne suis pas là pour juger. Je suis là pour aider et accompagner. Tout le temps. »
Au rayon des dépendances se trouve aussi le jeu. Guylaine peut prendre en charge des gens atteints de cette addiction mais ça ne touche habituellement pas une grande partie de sa clientèle. « Toxicomanie, alcool, médicaments. Ça c’est plus 90% de mes suivis. »
Une approche créative
Guylaine débute sa journée de travail au bureau vers 6h30. Elle aime se préparer avant les premiers rendez-vous de la journée qui commencent parfois dès 7 h 30 avec des parents.
« Les rencontres se font dans mon bureau, parfois à domicile, parfois dans les organismes pour femmes victimes de violences ou autres. Aussi, parfois j’accompagne les gens dans certaines activités, certains rendez-vous. S’ils sont trop anxieux pour aller voir le médecin, je peux les accompagner dans leur quotidien. »
Les rencontres se déroulent majoritairement sur une base individuelle mais quelques activités se font en groupe, ce qui permet d’avoir recours à de nouveaux outils et des façons de faire différentes.
« Parfois, on fait des rencontres avec les familles. Pour ceux qui acceptent, on part un groupe animé à la Maison des familles. On mange tout le monde ensemble avec l’intervenante des enfants et moi, l’intervenante des parents. Le but, c’est l’enfant qui est affecté par la dépendance parce que l’enfant a été traumatisé de la consommation. C’est vraiment super bien fait, c’est un groupe incroyable. »
Un autre groupe est consacré à de la méditation pleine conscience.
« C’est en prévention de la rechute. C’est sur huit semaines, c’est beaucoup d’engagement. Et les gens doivent pratiquer six jours à la maison. C’est un sacré beau groupe. »
Avec son caractère jovial, rempli de positivisme et de bienveillance, Guylaine trouve toutes sortes de mécanismes pour marquer l’esprit des bénéficiaires dont elle s’occupe.
« Une image, je trouve que c’est la plus belle des thérapies. Ça aide à mieux comprendre la dépendance. Je leur donne toujours plein de petits trucs. J’utilise beaucoup d’allégories, de techniques d’impact. Pour chacune des personnes, j’en choisis. »
La PDG du CIUSSS MCQ, Natalie Petitclerc, aux côtés de Guylaine Bellemare recevant son prix lors de la soirée du Gala Merci. (Photo courtoisie)
La reconnaissance de ses collègues
Ses collègues ont tenu à saluer son engagement exemplaire en lui décernant un prix lors du deuxième gala Merci du CIUSSS MCQ. Guylaine Bellemare a remporté le prix Merci pour l’engagement organisationnel. La reconnaissance qu’elle a reçue a beaucoup de valeur pour deux raisons: seulement 11 trophées sont remis à travers tout le CIUSSS MCQ et ce sont ses pairs qui soumettent sa nomination et qui votent parmi toutes les mises en candidature.
Elle n’est pas le genre de personnes à chercher la lumière et les honneurs. Elle n’y croyait pas lorsqu’elle a appris qu’elle était finaliste, encore moins lorsqu’elle a remporté le prix dans sa catégorie.
« Quand ma patronne m’a dit que j’étais en nomination, je manquais de souffle. Je n’en revenais pas. Tellement qu’au gala, quand on dit mon nom, je reste assise et j’applaudis. Je n’ai jamais pensé que c’était moi. Ça fait que c’est très long. L’animateur, Guillaume Pineault, me cherche dans la foule. Les gens près de moi me disent: « Guylaine, c’est toi! ». Je ne comprenais pas. Puis je me suis levée, et c’est ma patronne qui me vire de bord puis qui me pousse! »
« Je suis juste une intervenante et j’ai beaucoup d’admiration pour les deux autres personnes en candidature, j’admire énormément leur travail. Je suis flattée, mais en même temps, je pense que tout le monde le mérite. Non, je trouvais ça gênant. »
Néanmoins, Guylaine ne changerait de place avec personne au monde.
« Je suis bien là où je suis. J’ai l’impression que je suis sur mon X. À court terme, je ne me vois pas ailleurs qu’ici. J’aime trop ce que je fais. Oui il y a un grand niveau d’implication mais j’adore ma job. Les gens avec qui je suis en suivi, je veux qu’ils sachent que je suis totalement là. Comme j’aimerais qu’on le soit pour moi. »