DOSSIER – Troubles alimentaires: être accro à la victoire

TROUBLE ALIMENTAIRE. On retrouve depuis près d’un an un groupe de soutien venant en aide aux personnes âgées de 17 ans et plus souffrant d’un trouble alimentaire à Trois-Rivières.

Le groupe GO pour les personnes souffrant d’un trouble alimentaire, mis sur pied par Anorexie et boulimie Québec (ANEB) consiste en un service de groupe ouvert qui n’implique pas d’engagement, c’est-à-dire qu’une inscription n’est pas nécessaire.

«Il s’agit d’un premier pas vers la recherche d’aide. Si des proches s’inquiètent de votre situation ou si vous vivez de la souffrance par rapport à votre alimentation, vous pouvez venir vous informer et discuter avec une intervenante et d’autres personnes vivant la même situation lors d’une rencontre du groupe. Ça peut être intéressant de voir des gens qui sont plus loin dans leur processus de guérison. On invite les gens qui ont des questionnements concernant leur alimentation de venir nous voir. Pas besoin d’avoir reçu un diagnostic», indique Marilène Dion, coordonnatrice clinique d’ANEB Québec.

«C’est parfois dans ce groupe que les personnes parlent pour la première fois de leur trouble alimentaire. C’est un très gros morceau à avouer. C’est le premier pas dans l’engrenage de la guérison», ajoute-t-elle.

Les nouveaux troubles alimentaires

Les filles sont encore les plus représentées dans les groupes de soutien, quoique de plus en plus d’hommes demandent du soutien, d’après Mme Dion.

À quoi est-ce dû? En partie à l’apparition de nouveaux troubles alimentaires. Car si l’on voit moins d’hommes souffrir d’anorexie ou de boulimie, ils sont plus nombreux à souffrir de bigorexie.

La bigorexie, c’est quand l’on développe une obsession face à l’augmentation de la masse musculaire.

«On en retrouve dans les gyms: ils adoptent des comportements au niveau du sport et ils contrôlent leur alimentation au quart de tour pour gagner un maximum de masse musculaire. Le plaisir de manger tend à disparaître. Ils n’ont presque plus d’activités hors du gym et de l’entraînement parce que ça devient une sorte de raison de vivre», explique Marilène Dion.

Une histoire de petites victoires

«La prémisse d’un trouble alimentaire est souvent un premier régime. Cette diète va faire en sorte que le pied peut s’installer dans l’engrenage. Comme on voit des résultats, on veut redoubler d’ardeurs pour obtenir plus de résultats. On devient alors accro au gain, à la victoire: la victoire d’avoir perdu tant de livres, la victoire d’avoir maintenu son poids, la victoire d’avoir gagné de la masse musculaire, la victoire d’avoir retiré le maximum de nutriments d’un aliment. C’est une lutte envers soi-même», illustre Mme Dion.

Isolement

Parmi les «nouvelles tendances», on retrouve aussi l’orthorexie, soit l’obsession de développer une saine alimentation, mais à l’excès.

«Cela fait référence au système qui encourage les gens à développer de saines habitudes de vie. C’est sain, mais quand ça vire à l’obsession, le besoin de le contrôler s’empare de la personne. Il n’y a plus de plaisir à manger parce que près de 90% des pensées sont liées à ça. Il reste peu de place pour penser aux activités. Ça crée de l’isolement. C’est là que la souffrance s’installe», précise Mme Dion.

Une personne orthorexique calcule tout de son plat: la température exacte à laquelle la viande doit être cuite pour en retirer le maximum de nutriments, le type de nourriture que l’animal a mangé durant sa vie, etc. Elle bannit les aliments qui contiennent du gras, du sucre et du sel.

«Le corps a besoin de tous les aliments, même le sucre et les gras. Sinon, le corps développe une carence. Souvent, on entend les gens dire: «Ils ont juste à lâcher prise». Mais ils n’ont pas la capacité de le faire. Il faut travailler à déconstruire ces idées-là», plaide Marilène Dion.