DOSSIER: «Ce n’est pas vrai que la sexualité concerne seulement le corps»

AMOUR. «Ma tête, mon coeur et mes couilles». Le slameur français Grand Corps Malade fait référence à ces notions de tête, de cœur et de corps dans ce slam, trois notions indispensables à une saine relation amoureuse et sexuelle selon la sexologue Isabelle Borduas.

«Ce n’est pas vrai que la sexualité concerne seulement le corps. Il faut ajouter les notions de cœur et de tête. Quand j’en discute avec le jeune, il y a de l’étonnement. C’est une forme d’intimité à laquelle on n’est pas habitué de donner accès. Il y a un transfert du tabou», lance Isabelle Borduas, sexologue au Cégep de Trois-Rivières.

Il n’est pas rare que des étudiants se présentent à son bureau pour discuter de l’absence de désir sexuel.

«Quand ils sont en train de m’expliquer leurs affaires, je les arrête rapidement. Je ne veux pas avoir le descriptif. C’est comme s’il n’y avait pas de tabou dans leurs mots. Qui suis-je pour avoir accès à cette intimité-là? Où est le malaise? Est-ce le cœur, le corps ou la tête? Souvent, ce n’est pas tant l’absence de désir que l’absence de sens. Ils ont tendance à penser que s’il n’y a plus de désir, c’est qu’ils ne s’aiment plus, donc ils se laissent», explique Mme Borduas.

Isabelle Borduas insiste beaucoup sur les notions de cœur, de tête et de corps dans une relation amoureuse et sexuelle.

«Lorsqu’on ne vit pas les trois, il y a une sorte de détresse amoureuse. Par exemple, quelqu’un qui investit beaucoup dans le physique et la sexualité génitale sans investir du côté du cœur, ça peut entraîner des histoires d’un soir à répétition. À un moment, ça va toucher le malaise. Ensuite, ils se disent: «Pourquoi ne suis-je pas capable de m’engager dans une relation? Pourtant, je pogne». Ça peut causer des blessures affectives», précise-t-elle.

«Pour vivre une sexualité saine, c’est important de parler d’amour, du sens et de l’engagement avec une autre personne dans une relation d’amitié ou d’amour. D’après moi, l’absence de désir sexuel est un symptôme d’un malaise affectif», ajoute Mme Borduas.

Hypersexualité

Et l’hypersexualité qui touche les jeunes n’est pas étranger à une certaine pression sociale, souligne Isabelle Borduas. Elle soulève le fait que la sexualité est présentée essentiellement dans sa dimension physique dans les médias et un peu partout.

«En général, le message qui est passé, c’est «fais vibrer ton corps, tu vas triper». Tu vas peut-être vivre un bien-être, mais ça ne sera pas un bien-être affectif. Tu ressens un plaisir physique sur le moment et après ça, la tension redescend et on se sent quand même seul. C’est le gros drame de l’hypersexualité: on met le focus sur le fait que le désir sexuel est une pulsion simple qui ne fait appel qu’au corps. Je ne suis pas d’accord avec ça. Ça fait appel à la tête, au cœur et au corps. Pour la reproduction humaine, la sexualité est importante, mais c’est la relation d’amour qui est essentielle», affirme Isabelle Borduas.

Sensibiliser les jeunes

La Semaine de la santé affective et sexuelle a lieu du 11 au 18 février. Le Cégep de Trois-Rivières y participe pour une 11e année.

«Depuis deux ans, on revient sur la notion de rencontre avec l’autre. On a fait construire une grosse boîte avec des balles dedans. Les gens s’assoient l’un à côté de l’autre et doivent répondre à des questions mutuellement. Par exemple, ils peuvent avoir à se trouver un intérêt commun ou encore se raconter leur premier amour ou leur plus grand fou rire. Ça se fait dans le plaisir et on mise sur la dimension affective», relate Mme Borduas.

«Ce n’est pas pour rien que la Semaine de la santé affective et sexuelle se tient à cette période de l’année: on y englobe le 14 février», conclut-elle.