Développement du Carrefour 40-55 : de nombreux citoyens inquiets de l’impact sur l’environnement

Près d’une centaine de personnes ont pris part à la séance d’information concernant le projet de développement du parc industriel Carrefour 40-55, mercredi soir à l’hôtel de ville de Trois-Rivières. Il est recommandé procéder à la préparation des terrains afin de prolonger le boulevard Louis-Loranger pour maintenir une offre de terrains industriels dans les prochaines années. Le nœud dans le dossier: pour agrandir ce parc industriel, il faudra détruire 15 hectares de milieu humide, dont 2,1 hectares de tourbière.

« Les milieux humides, il y en a un peu partout. Les terrains avaient été acquis selon la loi. Oui, il y aura une partie du milieu humide qui sera détruite, mais il y aura aussi des milieux conservés. C’est un mal nécessaire « , lance Dominic Thibeault, directeur de l’aménagement et du développement durable à la Ville de Trois-Rivières.

La Ville estime que 83,1 hectares de milieux humides seront protégés, dont 28,1 hectares de tourbière. Environ 12 hectares de milieux humides protégés seront potentiellement affectés par le drainage, dont deux hectares de tourbière.

« Je ne vois pas ce projet en opposition avec l’environnement, précise le maire Jean Lamarche. On est en train de travailler différents projets qui visent la décarbonation. Quand il y a des travaux dans une perspective d’une zone d’innovation et de loger des entreprises axées sur les technologies vertes, je n’ai pas l’impression qu’on y va en opposition avec l’environnement. On se donne des façons de travailler pour donner un choix vert dans le développement économique et de la ville. »

Un travail a déjà été réalisé par l’équipe d’Innovation et Développement économique (IDÉ) Trois-Rivières pour optimiser les espaces existants dans la ville en récupérant des friches industrielles, comme le terrain du centre-ville où se trouvait l’entreprise Germain & Frère. Cela a permis d’acquérir des immeubles abandonnés ou sous-utilisés dans le but de les rénover et d’y installer de nouvelles entreprises. Cette initiative a permis d’héberger 40 nouvelles entreprises manufacturières et technologiques, de même que 35 entreprises en démarrage.

« Il y a une demande accrue au niveau industriel. On avait trois millions de pieds carrés de terrains qui n’étaient pas utilisés ou qui étaient utilisés à de mauvaises fins. Aujourd’hui, nous avons un taux de récupération de 85% de ces friches. Il n’y en a presque plus. Il nous reste moins d’un million de pieds carrés disponibles. C’est très peu, voire microscopique « , affirme Mario de Tilly, directeur général d’IDÉ Trois-Rivières.

Présentement, le parc industriel Carrefour 40-55 est le seul site où il est possible d’accueillir de nouvelles entreprises manufacturières, affirme la Ville de Trois-Rivières. Autrement, il faudrait développer de nouveaux espaces industriels plus en ville. Par ailleurs, les autres parcs industriels du territoire sont au maximum de leur capacité.

D’autres options ont été évaluées, dont le parc des Oblates et le parc aéroportuaire. Toutefois, la Ville estime qu’aucune autre partie du territoire ne pourrait être développée en parc industriel en remplacement. Il serait question de délais de plus de cinq ans pour un impact environnemental équivalent ou pire.

« C’est un développement qui aura un fort impact fiscal. Actuellement, le parc industriel accueille une trentaine d’entreprises qui génèrent des retombées de 800 M$ et 2500 emplois. Si l’expansion va de l’avant, on pourrait y ajouter une cinquantaine d’entreprises manufacturières, ce qui pourrait amener 2 milliards $ de retombées économiques globalement. Pour chaque emploi qui y est créé, il s’en génère trois de plus dans les services et services aux industries, par exemple « , explique M. de Tilly.

IDÉ souhaite cibler des entreprises issues des domaines des technologies environnementales et des énergies vertes pour ce secteur.  » Une usine pétrochimique ne pourrait pas s’y implanter, poursuit le directeur général d’IDÉ Trois-Rivières. Notre objectif est de continuer dans la vague de notre plan stratégie et faire en sorte de cibler des entreprises liées aux technologies vertes, aux énergies alternatives ou ayant de faibles émissions de GES. »

La Ville plaide que ce scénario de développement permet d’éviter et de minimiser des impacts dans les milieux humides d’intérêt. La planification de la gestion des eaux pluviales et sanitaires y est également avancée. Son emplacement près des autoroutes devient aussi un atout précieux pour les entreprises manufacturières qui cherchent à s’installer à Trois-Rivières.

 » Ce n’est pas la meilleure idée « 

Prenant la parole tour à tour au micro pour poser leurs questions, les citoyens présents à l’hôtel de ville pour l’occasion se sont montrés particulièrement inquiets quant aux impacts de cet éventuel agrandissement du parc industriel Carrefour 40-55 sur le milieu humide qui s’y trouve.

Ils ont été plusieurs à remettre en question la recommandation de détruire une partie du milieu humide pour développer le parc industriel.  » On pense que détruire des milieux humides pour peut-être connaître encore des problèmes d’espace plus tard, ce n’est pas la meilleure idée « , a résumé Serge Lévesque, l’un des citoyens à avoir pris la parole.

D’autres ont questionné les fonctionnaires présents sur les mesures de compensation qui seraient mises en place ou encore la possibilité d’implanter les entreprises à d’autres endroits dans la ville.

 » On s’est assuré que les espaces ayant la plus haute valeur écologique ont été protégés, assure Dominic Thibeault.  Sur le plan de la faune, la seule espèce susceptible est la salamandre à quatre orteils. Les travaux de déplacement de certains nids ont été réalisés, mentionne-t-il. Des mesures d’atténuation des impacts sont prévues, entre autres pour assurer les liens fonctionnels entre les milieux. Par exemple, des aménagements de passages fauniques sont prévus. Les impacts plus généraux pour la faune sont acceptables en regard des autorisations ministérielles. »

La Ville a obtenu le certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement en 2014 pour procéder au développement du parc industriel. Huit ans plus tard, ce certificat est encore valide, assure l’administration municipale, malgré le resserrement de la règlementation en lien avec la protection des milieux humides en 2017.

 » Le certificat d’autorisation serait encore accepté aujourd’hui avec les nouvelles normes en vigueur, insiste M. Thibeault. La différence est qu’à l’époque, la compensation des milieux hydriques détruits était différente.  »

 » On oblige les entreprises à remplir un bilan social et qu’elles nous montrent un bilan environnemental parfait. Pour arriver à une transition énergétique, il faut faire des investissements massifs dans les technologies vertes. Avec les entreprises qui s’installent à Bécancour, ça va exiger plusieurs autres investissements, notamment pour les constructeurs d’électrolyseurs. Tout ça fait partie d’un tout. Je trouve ça dommage qu’on perçoive une guerre entre l’écologie et l’économie. Je ne connais pas de gens qui veulent souiller le territoire « , poursuit Mario de Tilly.

Selon la Politique de vente des terrains, les nouvelles constructions doivent notamment s’inspirer de la certification LEED, conserver une couverture végétale supérieure à 10 % et recourir à l’utilisation de panneaux solaires.

La présidente de la Chambre de commerce et d’industries de Trois-Rivières (CCI3R), Me Cassy Bernier, s’était aussi déplacée pour partager la vision des gens d’affaires sur le développement du parc industriel.

 » La CCI3R appuie à 100% ce projet. Plusieurs de nos membres se butent à des murs. Ils veulent innover, ont besoin d’espace pour le faire et se font dire non, qu’il n’y a plus de place. On a besoin de terrains pour innover et on a besoin de croître. On a une conscience du développement durable. J’ai envie de dire que le milieu des affaires a une préoccupation pour l’environnement aussi. Ce n’est pas vrai qu’on va arriver avec des industries pour détruire des milieux humides « , a-t-elle témoigné.

Si le conseil municipal choisit d’emboîter le pas au projet, la prochaine étape consistera à adopter le règlement d’emprunt lors d’une prochaine séance publique, dans les prochaines semaines.  Huit conseillers municipaux, en plus du maire, ont d’ailleurs assisté à la séance publique d’information. Les élus ont aussi eu l’occasion, déjà, de participer à une séance d’information sur le projet.

Le règlement d’emprunt permettrait de réaliser des travaux visant à préparer le terrain pour recevoir les éventuelles infrastructures.

La séance d’information peut être visionnée sur la chaîne Youtube de la Ville de Trois-Rivières.