Densifier, oui, mais pas n’importe comment

On entend de plus en plus dire qu’il faut limiter l’étalement urbain et densifier davantage les villes, mais les projets de densification peuvent susciter des craintes, surtout quand ils se déploient près de chez soi. « Dans la perception populaire, la densification, c’est d’empiler les gens les uns par-dessus les autres dans des tours de condos, sans considération pour le respect pour la capacité de payer des gens », fait remarquer Marc-André Godin, directeur adjoint Aménagement et développement durable à la Ville de Trois-Rivières. Mais c’est plus complexe que ça.

« En fait, la densification se veut une occupation optimale du territoire pour rentabiliser les infrastructures et offrir un milieu de vie de qualité aux résidents. C’est de densifier en respect du plan d’intégration architecturale, en harmonie avec les gabarits, la hauteur des constructions, la gestion du stationnement. On prend aussi en compte les enjeux de circulation, de santé et de saines habitudes de vie, tout comme de la gestion des matières résiduelles », énumère Marc-André Godin.

La conseillère du district de la Madeleine, Sabrina Roy, a été à même de constater le type de craintes que ce type de projet peut susciter lorsque la construction d’un immeuble de 11 étages comportant 180 logements a été annoncée sur le terrain de l’ancien pensionnat des Filles de Jésus dans le Bas-du-Cap.

« C’est le changement d’habitude qui est difficile. Pour les gens du secteur, c’était de l’inconnu. Il y a eu beaucoup de suppositions dans ce projet et il a fallu remettre les pendules à l’heure, rappelle Mme Roy. Je suis allée rencontrer Olymbec pour partager des inquiétudes des citoyens et pour avoir l’heure juste sur le projet. On a travaillé avec eux pour qu’il y ait le moins d’impacts possible pour les résidents des alentours, on a pensé aux périodes d’ensoleillement. On parle de revitaliser le Bas-du-Cap. C’est un beau projet qui va amener des gens pour ça. »

« Bien » densifier

Densifier un territoire est une chose, mais encore faut-il bien le faire et le faire dans le respect de l’ensemble des usagers.

« Certains ont l’impression que la densification n’a pas de localisation et qu’une tour de condos pourrait border une zone agricole. Par contre, ça ne serait pas une saine densification », plaide Marc-André Godin.

Ce dernier explique qu’une densification est saine si elle se rapproche des services et des pôles d’emplois et de services et si elle contribuer à diminuer les temps de déplacement et l’utilisation de l’auto solo.

« Les principes du nouvel urbanisme se fondent sur un mode de vie urbain. À Trois-Rivières, on a un mode de vie nord-américain assez fondé sur le modèle de la banlieue avec de grands terrains, des maisons unifamiliales, de l’espace pour le stationnement sur la propriété. Dans les 5 à 10 dernières années, il y a eu une recrudescence des besoins des jeunes ménages et des jeunes professionnels qui tendent à se rapprocher des secteurs centraux parce que c’est intéressant de faire beaucoup de déplacements à pied, constate-t-il. Mais ce n’est pas tout le monde qui va adhérer à cette façon de consommer le territoire. »

Il faut aussi s’assurer d’équilibrer cette densification avec la présence de parcs et d’espaces verts publics, ainsi que de commerces de proximité. D’ailleurs, le quartier qui se retrouvera sur le site de l’ancienne usine Aleris sera un terrain de jeu intéressant pour la Ville pour développer sa vision d’urbanisme et de densification. « On laisse aussi le temps aux gens d’en discuter à l’avance. On veut qu’il y ait une valeur ajoutée au fait d’habiter dans un milieu comme celui-là et y implanter un véritable milieu de vie », ajoute M. Godin.

Des mesures plus flexibles à l’étude

La Ville travaille sur différentes mesures qui permettraient de densifier le territoire de façon plus douce également.

« On travaille sur un règlement pour permettre les unités d’habitation accessoires, indique M. Godin. On observer ce que font les autres municipalités sur cette question. Ça permettrait à des terrains qui ont été déjà développés qui ont une superficie suffisante d’accueillir une petite résidence à l’arrière. »

« Ça pourrait permettre de loger des parents, des amis ou la famille, par exemple, ou des personnes qui n’ont pas les moyens d’accéder à la propriété sans que ça impacte le voisinage. C’est une forme de densification plus douce dans des secteurs déjà construits et ça éviterait de miner le caractère résidentiel familial de certains quartiers », poursuit-il.

Des réflexions sur d’autres mesures se poursuivent pour que le règlement soit plus flexible.

« La densification peut aussi se traduire par la transformation du cadre bâti existant pour répondre aux nouveaux besoins des ménages. Par exemple, les besoins en espace extérieur sont différents aujourd’hui comparativement aux années 1950 ou 1980. Il y a beaucoup de demandes pour l’ajout d’un étage ou encore d’agrandir la maison vers la cour arrière. On veut trouver des façons de favoriser la régénération de ces quartiers pour éviter que ces ménages soient tentés de déménager sur un terrain plus grand en périphérie dans le contexte où on veut limiter l’étalement urbain », précise le directeur adjoint Aménagement et développement durable.

On souhaite aussi limiter des transformations moins intéressantes pour le milieu. M. Godin note l’ajout de logements au sous-sol ou encore le fractionnement de logements.

Des actions dans la première couronne

Pour favoriser une plus grande densification dans des secteurs ciblés, la Ville de Trois-Rivières a récemment lancé un nouveau programme pour promouvoir le développement de projets résidentiels neufs dans les secteurs de la première couronne. Le nouveau crédit de taxe à la densification offre un crédit de taxe foncière pour les projets résidentiels neufs comportant au moins huit logements et une densité d’occupation d’au moins 40 logements par hectare.

La première couronne de développement est constituée des secteurs développés principalement entre les années 1950 et 1980 en périphérie des premiers quartiers, tels que les zones à proximité du boulevard Rigaud dans le secteur Trois-Rivières Ouest et de la rue des Érables dans le secteur Cap-de-la-Madeleine.

« On croit beaucoup en la créativité de nos entrepreneurs et nos promoteurs. On a souvent des friches autour de nous en milieu urbain dont on ne voit pas le potentiel. Quand des incitatifs sont mis en place, des idées finissent par se brasser », mentionne M. Godin.

Par ailleurs, la capacité de densification n’est pas une réponse unilatérale, précise-t-il. La capacité de densification varie notamment en fonction de la capacité du réseau d’égouts. « Il y a des travaux qui sont effectués au poste de pompage situé près de la rue P.-Dizy-Montplaisir pour permettre le développement d’un nouveau quartier. C’est un type d’investissement qui vient avec les défis de densification. Pour se densifier davantage, il y a plus de besoins en infrastructures », souligne M. Godin. 

Il faut dire que plusieurs secteurs sont aux prises avec un réseau combiné, ce qui vient limiter la capacité du réseau. Cela entraîne aussi un risque de déversement.

« Au final, c’est une question d’équilibre et de respect d’échelle et du milieu. Il reste aussi quelques friches industrielles, comme l’ancienne crémerie ou l’ancienne Wabasso. En ce moment, on assiste au recyclage de l’ancien Germain & Frère en L’Ouvrage. Il faut aussi miser sur le redéveloppement de ces lieux qui ont été des canaux de développement économique pour qu’ils redeviennent des espaces occupés avec une mixité de fonctions qui viendront soutenir le milieu », conclut-il.