Densification industrielle: les terrains et bâtiments vides dans la mire d’IDÉ
Mieux densifier les parcs industriels et autres terrains à vocation industrielle est dans la mire d’Innovation et développement économique (IDÉ) Trois-Rivières depuis quelques années. Si les dernières années ont surtout été consacrées à la récupération de friches industrielles pour les revitaliser, l’organisation souhaite maintenant concentrer ses efforts sur le rachat de terrains vides.
« Dans toute la ville, il y a un effet de gruyère, image Mario de Tilly, directeur général d’IDÉ Trois-Rivières. Il y a des trous de développement un peu partout. En même temps, on ne peut pas implanter une zone industrielle n’importe où. Il faut que ça s’ensache dans un schéma d’aménagement, un règlement d’urbanisme et dans la réalité environnementale d’aujourd’hui. On n’irait pas placer une usine à côté d’un secteur résidentiel. »
L’organisation a commencé à identifier ces terrains vendus antérieurement qui ne sont pas assez densifiés aujourd’hui. L’exercice de redensification des espaces industriels de Trois-Rivières montre que les potentiels de redéveloppement sont limités dans certains parcs industriels.
Par exemple, on évalue le potentiel de redéveloppement dans le parc industriel des Prairies à 61 429 pieds carrés, de 28 503 pieds carrés dans le parc industriel Thomas-Bellemare et de 147 477 pieds carrés du côté du parc industriel Gilles-Beaudoin. Quatre potentiels de redéveloppement ont aussi été identifiés dans la phase 1 du parc industriel des Carrefours et quatre autres dans le parc J.-Réal-Desrosiers, ce qui représente respectivement 807 000 pieds carrés 960 534 pieds carrés.
C’est dans le parc des Hautes-Forges que le potentiel de redéveloppement se montre plus intéressant avec 23, pour un total de 4 567 792 pieds carrés et des revenus de taxes anticipés de plus de 3,5 millions $ par année.
Cependant, il s’agit essentiellement de propriétés privées. « Si tu as un terrain dont la densification est considérée comme trop faible et que tu veux en racheter un bout, il faut que le propriétaire le veuille. On peut avoir des moyens fiscaux pour convaincre, mais ça reste un régime de propriétés privées. Il y a aussi un effet de spéculation qui entre en ligne de compte. Devant notre intérêt, les propriétaires peuvent décider de vendre une portion de terrain à très fort prix », explique Mario de Tilly.
IDÉ soulève que les incitatifs à mettre en place pour la reprise des espaces et des terrains identifiés pourraient entraîner une perception négative et un risque réputationnel à l’égard de Trois-Rivières, d’où l’importance de faire l’acquisition d’espaces et terrains stratégiques.
« Il y a aussi un autre phénomène. Des terrains peuvent être disponibles, mais certaines parties sont contaminées. Pour compenser le coût de décontamination, quand tu achètes, il faut s’assurer d’avoir un niveau de densité très important sur ce terrain. Certains terrains sont lourdement contaminés, ce qui fait exploser les coûts de 10 à 15 fois le coût réel. Les terrains sont vus et identifiés, mais l’acquisition va se faire sur une période plus ou moins longue », ajoute-t-il.
Les villes laissées à elles-mêmes
La reprise de terrains privés est toutefois « généralement assez mal reçue » puisque c’est considéré comme de l’ingérence dans la sphère privée, note Mario de Tilly. « On pourrait imposer une taxe de non-développement, mais on préfère trouver des incitatifs positifs. On peut faire remarquer que les terrains non développés seront mieux rentabilisés ou encore mettre en place une exemption de taxes pour les premières années. Mais il y a aussi plusieurs éléments de sensibilisation à mettre en place », explique-t-il.
« Les villes sont laissées à elles-mêmes dans ce dossier, déplore le directeur d’IDÉ Trois-Rivières. Ça fait partie des revendications. Si on avait eu accès à des programmes pour revitaliser les bâtiments industriels, ça aurait été intéressant. On laisse encore le privé et les localités le faire. Avoir accès à un programme en ce sens pourrait encourager les municipalités à faire de la densification. Pourtant, la densification est intéressante parce que pour le même kilomètre de services municipaux, tu es mieux d’avoir 50 occupants que seulement deux. »
Des bâtiments à optimiser
Certains bâtiments ne sont pas utilisés à leur plein potentiel en ce moment et IDÉ souhaite trouver des façons d’optimiser leur occupation. Il cite notamment l’Édifice Ameau, un bâtiment ancestral sur la rue Saint-François-Xavier, de même que le bureau de poste du centre-ville.
« Dans le cas du bureau de poste, le bâtiment a une superficie de 77 000 pieds carrés, mais il n’y a qu’un petit local de 2000 pieds carrés utilisé par Postes Canada. Le reste est vide, indique M. de Tilly. Depuis l’acquisition du Monastère des Ursulines par la Ville, on voit des choses intéressantes qui s’en viennent pour l’occuper davantage. Plein de beaux projets seront annoncés bientôt. »
Il y a cinq ans, IDÉ entreprenait la troisième phase de sa stratégie immobilière visant à récupérer les friches industrielles à travers la ville. On peut notamment penser à l’entreprise Germain & Frère qui a déménagé du cœur du centre-ville pour se relocaliser dans un parc industriel. C’est sur ce terrain du centre-ville qu’est construit le Centre d’innovation agroalimentaire L’Ouvrage.
Depuis, 200 000 pieds carrés de friches industrielles ont été récupérés, ce qui représente plus de 75% des friches identifiées. Il en reste encore quelques-unes, dont l’ancienne Crémerie, au centre-ville, qui appartient à un privé.
Continuer à développer
Lors d’une séance d’information concernant le dossier d’agrandissement du parc industriel Carrefour 40-55, des questions avaient été exprimées en lien avec les limites de développement à Trois-Rivières.
Pour Mario de Tilly, il faut poursuivre le développement économique et industriel à Trois-Rivières. « On a été en récession pendant 30 ans. Je me souviens quand Trois-Rivières était une ville martyr avec un taux de chômage au-dessus de 10%. Ça fait quatre ou cinq ans qu’on a un taux de chômage plus intéressant, mais il ne faut pas arrêter de développer pour autant. Ce qui m’inquiète, c’est que la population active augmente très peu, insiste-t-il. Quand les gens prendront leur retraite, il faudra du monde pour venir les remplacer. Il va falloir qu’il se passe des choses et qu’on se développe pour y arriver. »