De la corruption et des bordels

Beaucoup l’ignorent encore. Le corps policier de Trois-Rivières a fait l’objet de deux enquêtes de la Commission de police du Québec. Retour vers les années rock and roll!

L’enquête de 1969 était la première de l’histoire de la Commission. Elle reviendra à Trois-Rivières en 1982. Aux dires des observateurs, celle de 69 n’avait pas réglé grand-chose. C’est plutôt celle de 82 qui a tout nettoyé.

Des sergents-détectives ont été destitués, d’autres ont été rétrogradés.

«C’est pas mêlant, la Commission avait pratiquement été créée pour faire le ménage à la Sûreté municipale de Trois-Rivières! » nous a-t-on dit plus d’une fois (pour la méthodologie du reportage lire l’article en page 4).

Dans le même laps de temps survenait l’affaire Louis-George Dupont, le sergent-détective retrouvé mort dans une auto. La version officielle fait état d’un suicide. Comme on sait, la famille croit qu’il s’agit d’un meurtre. Dupont en savait trop sur les agissements de certains collègues. Trop intègre à leurs yeux, il constituait un danger. L’hypothèse tient toujours la route.

Corrompus jusqu’à l’os

La réputation de la police de Trois-Rivières était si mauvaise à l’époque que certains corps policiers ailleurs au Québec rechignaient à l’idée d’accueillir un policier d’ici. C’est tout dire!

Racket de protection auprès des bars, recel de marchandises volées, têtes mises à prix, collaboration avec la pègre, tolérance envers la prostitution en retour de sommes d’argent, plusieurs détectives ne se sont pas privés. L’un d’entre eux allait même aux courses à l’hippodrome en compagnie d’un pégreux de Montréal.

Certains policiers se vantaient même d’avoir couché avec des prostituées au poste de police. D’autres s’octroyaient le privilège de déterminer si une prostituée avait le droit de travailler dans un hôtel ou dans l’autre.

Bien entendu, il ne s’agissait pas de tous les policiers. La plupart adoptaient un comportement digne de leur profession. Il s’agissait plutôt d’une poignée d’individus qui faisait la pluie et le beau temps, quitte à intimider leurs collègues. Des détectives surtout.

Bordels

À entendre les gens du milieu ayant connu l’époque, les bordels foisonnaient dans la ville. Bien sûr, les marins du port constituaient une clientèle importante mais il y avait aussi des gens venus d’ailleurs.

« Des gens venaient de Montréal et de Québec pour coucher avec une prostituée. C’étaient souvent des professionnels qui ne voulaient pas se faire pincer dans leur patelin. Dans un établissement de la rue Royale par exemple, les gens se présentaient au garage du sous-sol avec une clef et grimpait à l’étage. On y pratiquait la prostitution de luxe», nous a-t-on raconté.

Faut pas oublier que dans ces années-là, il y avait de gros chantiers en ville. La construction du pont Laviolette par exemple attirait toute une masse de travailleurs et de hauts salariés. Beaucoup d’entre eux venaient de l’extérieur. Ils représentaient une clientèle pour les prostituées. Sans compter plus tard la construction de l’autoroute 755 et celle du Centre des Rivières.

« Un jour, un Noir débarque dans un hôtel de la rue des Forges, nous a-t-on raconté. Il offre les services de sa prostituée. Noire également. À l’époque, il n’y avait pas de Noirs à Trois-Rivières. Hésitant, le propriétaire de l’hôtel finit par accepter. Il avait au préalable reçu l’autorisation de l’escouade de la moralité municipale.

« Le Noir revient le lendemain. Si vous aviez vu le corps de la femme! Juste quelques jours et déjà les clients faisaient la file à la porte!»

Des prostituées auraient travaillé un certain temps dans des cabines à proximité du pont Laviolette en voie de construction. Une lumière indiquait si la prostituée était libre ou non. Aussi, des roulottes consacrées à la prostitution ont été vues quelque part à Trois-Rivières Ouest, près d’un terrain de camping.

Hôtels

Les hôtels étaient nombreux. Il y avait l’hôtel St-Louis sur des Forges au centre-ville, où se situait autrefois La Coupe aux livres. Il y avait l’hôtel St-Paul pas très loin (face à l’ancien terminus). L’hôtel St-George appelé aussi l’hôtel des fouets parce que les fermiers venant au marché, situé à l’emplacement de Radio-Canada, emmenaient leurs fouets avec eux de peur de se les faire voler. L’hôtel se trouvait en face du Delta d’aujourd’hui, rue St-George.

Il y avait l’hôtel Caumartin coin St-Prosper et Bonaventure, l’hôtel Continental coin St-Maurice et Champlain et l’hôtel des 3-Rivières que remplace aujourd’hui le restaurant l’Essentiel, donc tout près du port.

Beaucoup d’entre eux abritaient des prostituées, mais pas tous, bien entendu.

(Cet article s’inscrit dans le dossier Au temps de la corruption à Trois-Rivières publié dans la section actualités. Lisez les articles suivants:

-Pègre locale pègre d’ailleurs

-Des informateurs payés avec de la marijuana

-Une ville de party

-La Kruger, la statue et la police (section opinion)