Dans mon corps d’anorexique
SCIENCE. Pendant quelques minutes, j’avais un corps rachitique. Tellement minuscule et osseux. J’avais le corps d’une fille anorexique à un stade avancé.
Cette expérience, je l’ai vécue à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). La Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires arrivant à grands pas (31 janvier au 6 février), une équipe de recherche sur les troubles alimentaires a invité les médias à faire l’essai du Cybercorps.
Cet outil technologique utilise la réalité virtuelle et nous plonge dans des corps virtuels différents. Concrètement, l’expérience consiste à enfiler une paire de lunettes et à pencher la tête pour observer son corps changer.
Dans un premier temps, j’ai vu ma propre silhouette. Jusque-là, tout était normal. C’était même très fidèle à la réalité. Puis, je me suis vu avec un surplus de poids. Je ne pouvais plus voir mes pieds. Je voyais bien mes rondeurs, mais j’ai été étonnée de constater que je n’étais pas si grosse que ça finalement. Je me serais attendue à me voir beaucoup plus large et imposante.
Le choc, je l’ai eu quand je me suis vue avec un corps anorexique. Ma première réflexion a été de me dire que ce n’était pas mon corps. Impossible de me faire à l’idée. Sans effort et sans pencher la tête davantage, je ne voyais que des os. J’avais l’impression d’avoir une tête immense sur un tout petit corps.
Seulement en penchant la tête pour regarder mes pieds, je pouvais voir tous les os de mes jambes et même mes chevilles. La largeur de mes hanches me rappelait le corps d’une fillette. C’était démesurément petit. Même si l’outil est très bien conçu, je n’arrivais pas à assimiler l’information. C’était difficile de me dire que mon corps pourrait devenir à ce point rachitique si j’avais un trouble alimentaire.
Une technologie rare
Cette technologie que possède l’UQTR n’est utilisée que dans six laboratoires à travers le monde. À l’université, c’est l’équipe du Laboratoire de Recherche Interdisciplinaire sur les troubles du comportement alimentaire en lien avec la Réalité virtuelle et la Pratique physique (LoriCorps) qui s’en sert.
«Les personnes qui ont un trouble du comportement alimentaire vont se scruter plus longtemps que les autres. On voit tout de suite qu’elles se regardent avec plus d’attention et qu’elles vivent l’expérience bien différemment», explique Johana Monthuy-Blanc, directrice du LoriCorps.
En laboratoire, le Cybercorps est utilisé pour mesurer des caractéristiques spécifiques comme la perception de l’image corporelle. Le LoriCorps rassemble les départements des sciences de l’éducation, de psychologie, des sciences infirmières, de psychoéducation, d’ergothérapie et de génie électrique, qui a contribué au développement de la réalité virtuelle.
Le saviez-vous?
Au Québec, jusqu’à 300 000 personnes sont susceptibles de développer un trouble alimentaire.