Dans le futur… au moins dix ans à l’avance!

TECHNOLOGIE. D’une simple discussion autour d’un café peuvent germer les plus folles idées. Il y a dix ans, dans pareil contexte, un groupe de chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a lancé celle de modifier une camionnette électrique afin d’en augmenter l’autonomie à l’aide de technologies vertes. Le projet s’est soldé cette année par l’obtention d’un prestigieux prix: le Prix Environnement du gala des Grands Prix d’excellence en transport.

Le projet figurait également parmi les finalistes du Prix Coup de cœur du jury d’honneur. Une belle tape dans le dos pour l’équipe derrière ce pari un peu fou. Celle-ci était dirigée par le professeur Sousso Kelouwani, du Département de génie mécanique, appuyé par son collègue Yves Dubé ainsi que par les professeurs Richard Chahine, Kodjo Agbossou et Loïc Boulon, du Département de génie électrique et génie informatique.

Plusieurs dizaines de personnes ont planché, au fil des ans, sur ce projet, y compris un bon nombre d’étudiants au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat des départements mentionnés ci-haut. Un projet qui leur a à la fois permis de parfaire leur formation et de gagner de l’expérience en matière de recherche et développement.

L’historique

Pour réaliser ce projet, l’équipe de l’UQTR a d’abord acquis une camionnette utilitaire électrique, assemblée par une entreprise de Laval. Bien que mignonnes, les camionnettes de celles-ci présentaient une autonomie nettement insuffisante pour s’implanter dans le marché. «Une fois chargée, la camionnette avait une autonomie d’environ 70 kilomètres. Pour recharger sa batterie, ça prenait jusqu’à huit heures. On est donc parti avec l’idée d’ajouter des "prolongateurs d’autonomie" pour augmenter performance de la batterie», raconte M. Kelouwani.

Après maints plans et devis, ces «prolongateurs» ont finalement résulté en une génératrice bicarburant, qui fait aujourd’hui la fierté de ses concepteurs. Ainsi, quand la batterie du véhicule s’affaiblit, leur innovation génère le courant nécessaire pour la charger rapidement. Le processus se fait à l’aide d’hydrogène, principalement, et d’essence. Le tout a été développé dans les locaux de l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’UQTR.

Il s’agit d’un prototype que les chercheurs de l’université continuent de bonifier: «On prend des mesures et on tente de voir dans quelles conditions l’efficacité du moteur est à son meilleur», indique Yves Dubé.

Un compromis entre pollution et efficacité

Dans leur projet, les chercheurs visent aussi à trouver le meilleur compromis entre pollution et efficacité. Le mélange essence-hydrogène semble être une bonne solution pour le moment, notamment parce qu’ils ont été en mesure de l’intégrer à une technologie intelligente. «On ne va pas rajouter de l’essence pour rien. Si on manque d’hydrogène, on va utiliser l’essence», précise le professeur Kelouwani.

Ça va même plus loin: «On peut dire (au véhicule) combien coûte un litre d’essence et combien coûte l’équivalent en hydrogène. Il va ensuite essayer de sélectionner le meilleur mélange ou la meilleure source d’énergie pour, qu’au bout de la ligne, la dépense de carburant soit au minimum possible», indique M. Dubé.

Cet aspect «intelligent» est une belle avancée, alors que l’on cherche actuellement des moyens de faire face à la baisse des réserves mondiales de pétrole. «Il y a plusieurs solutions possibles», évoque Yves Dubé. «L’une d’elles pourrait être la conception de moteurs intelligents qui fonctionneraient avec le carburant que l’on veut, qu’il soit gazeux ou liquide. Peut-être même que le moteur pourrait aussi fonctionner avec des mélanges de carburants et qu’il pourrait adapter sa recette en fonction du taux de pollution environnant pour limiter l’émission de gaz à effet de serre», imagine-t-il.

L’équipe de l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’UQTR travaille justement à construire ces éléments du futur. «L’idée est de rester toujours en avance, parce que quand le marché devra avoir un produit comme ça, nous allons déjà l’avoir conçu et expérimenté», conclut Yves Dubé.