Cesser de ronfler grâce à l’orthophonie
Marie-Emmanuelle Marchand est orthophoniste depuis quelques années déjà et au fil du temps, son champ d’expertise s’est élargi. D’abord pour aider son conjoint, elle s’est concentrée sur les troubles obstructifs du sommeil, par l’orthophonie, ce qui n’avait pas vraiment été fait encore au Québec, ainsi qu’au Canada.
De son propre aveu, son attention était tellement concentrée sur ses études qu’elle n’a pas vu que la santé de son conjoint se détériorerait il y a 11 ans déjà.
« Un week-end où j’étais là, il était assis dans le salon et il m’a dit qu’il ne pouvait pas se lever, se souvient-elle. Il ne sentait plus ses jambes ni ses bras. Son médecin a conclu au trouble obstructif du sommeil, donc de l’apnée du sommeil, de manière sévère. Ça s’appelait de la neuropathie sensorielle, qui peut survenir dans certains cas d’apnée du sommeil sévère. »
« On apprend aux orthophonistes à rééduquer la respiration pour d’autres problèmes, ainsi que les muscles au niveau de la déglutition et de la parole. Ce sont les mêmes muscles qui font en sorte qu’on respire, alors j’ai effectué des recherches dans la littérature scientifique. J’ai découvert que des orthophonistes qui rééduquent l’apnée, il y en a partout. Il y en a en France, au Japon, en Belgique, en Australie et aux États-Unis. C’est là que j’ai commencé à lire pour essayer de développer des exercices en ciblant des muscles spécifiques. Après trois semaines, il ronflait déjà moins fort », explique-t-elle.
Désireuse d’aider à plus grande échelle, Marie-Emmanuelle a ensuite commencé à investir une vingtaine d’heures de recherche, hors de ses heures de travail habituelles.
« Je dois être à 5000 heures de recherche, confie-t-elle. Je lis sur tout ce qui se publie dans le monde sur l’apnée obstructive du sommeil et les troubles associés. L’apnée, ce n’est vraiment pas simple. Je lis sur les problèmes connexes (causant l’apnée) pour savoir ce que moi je peux faire pour anéantir le plus de causes possibles, pour avoir le meilleur impact possible pour mes clients. »
Elle essaie d’abord d’identifier les raisons pour lesquelles une personne ronfle comparativement à une autre qui ne ronfle pas.
« J’identifie le plus de facteurs possibles et j’interviens sur le plus de facteurs possibles dans mon champ de compétences pour faire en sorte que la personne ne ronfle plus jamais. Je veux qu’on règle le problème, sans qu’elle ait besoin de mes exercices par la suite. Je rééduque les fonctions oro-faciales (ventilation, respiration, succion, mastication, déglutition et parole) et, en théorie, la personne ne se remettra pas à ronfler. »
Liste d’attente
Étant de plus en plus reconnue, une liste d’attente s’est créée pour ses services. Certains patients parcourent des heures de route pour avoir recours à ses services.
« Avant, j’avais l’enfant de trois ans avec des difficultés langagières, l’adolescent de 13 ans qui bégaie et la dame au collège qui pense être dyslexique sur ma liste d’attente. En développant cette facette, les gens tombent sur les articles que j’écris, sur l’ensemble de mes recherches et ils rejoignent ma liste d’attente. Au fil du temps, ma liste d’attente est devenue apnée, apnée, trouble du sommeil, parfois un trouble langagier, apnée et apnée », explique-t-elle.
« Le taux de réussite est excellent à travers le monde et mon taux l’est également. De mon côté, je vais travailler avec la personne jusqu’à ce que l’on soit convaincu qu’on est allé chercher tout le potentiel d’amélioration qu’on était capable d’aller chercher. »
Étant donné qu’elle est la première au Québec à s’intéresser aux troubles obstructifs du sommeil, elle est consciente qu’elle devait prendre toutes les précautions, en progressant étape par étape, pour ne pas ouvrir de porte aux détracteurs.
« Récemment, j’ai réussi à faire reconnaître par mon ordre professionnel que c’était dans le champ de pratique de l’orthophonie, lance-t-elle. J’ai mis en ligne une formation intitulée Thérapie myofonctionnelle appliquée à l’apnée obstructive du sommeil en 2021 pour ne pas rester la seule orthophoniste à travailler là-dessus. Entre 2018 et 2021, j’ai monté une formation bourrée d’évidences scientifiques que j’ai placées sur mon site. J’ai constaté que neuf fois sur dix, les orthophonistes qui l’achetaient étaient en France ou en Belgique parce que ça va de soi dans leur pays. Bref, je ne forme pas autant d’orthophonistes québécoises que je le souhaiterais et qu’il est nécessaire à mon avis. »
« Il faut prendre conscience que ronfler est un symptôme et allons voir pourquoi. Ronfler a des conséquences mesurables sur le cerveau, que ce soit sur sa densité, sur son fonctionnement cognitif ou sur son niveau de toxicité. Ce n’est pas bon pour une personne, ni pour le cœur, ni pour le cerveau spécifiquement. Comme société, on banalise ce symptôme-là et on ne devrait pas », conclut-elle.