Le budget 2018 de la Ville rejeté

AFFAIRES MUNICIPALES. Les élus du conseil de ville de Trois-Rivières ont voté à majorité contre le budget 2018 et le Plan triennal d’immobilisation (PTI).

Huit conseillers se sont opposés aux deux documents au moment du vote, soit Claude Ferron, Mariannick Mercure, Luc Tremblay, Dany Carpentier, Pierre Montreuil, Pierre-Luc Fortin, François Bélisle et Denis Roy se sont opposés aux deux documents.

Le budget prévoyait une hausse moyenne du compte de taxes de 0,9%.

Ce n’est pas tant l’augmentation des taxes qui a dérangé les conseillers, mais plutôt le peu de pouvoir qu’ils ont eu dans l’élaboration de ce premier budget du mandat du nouveau conseil.

«Je commence à faire mes armes en politique municipale et j’ai trouvé que l’élaboration du budget allait particulièrement vite. J’aurais voulu me faire une meilleure tête là-dessus. On a essayé d’amener de nouveaux projets au PTI, mais ça n’a pas été considéré. Par exemple, j’aurais souhaité des investissements pour l’aménagement des pistes cyclables. On veut donner un autre souffle à la ville. Ce sont de petites choses qu’on demandait, des choses quand même simples», explique Claude Ferron, conseiller du district des Rivières.

Pendant la séance d’adoption du budget, le ton a d’ailleurs monté entre le maire Yves Lévesque et M. Ferron.

«On bloque un budget et je ne comprends pas encore pourquoi. J’ai hâte de voir le changement qu’il y aura par rapport au budget que l’on présentait aujourd’hui. Si on veut le changer, ça implique de changer les services publics. (…) Vous êtes contre un PTI de 200M$ pour une piste cyclable de 3M$. S’ils m’avaient dit qu’ils voteraient pour le budget si on finançait des pistes cyclables, on se serait organisé. À la place, ils sont partis en catimini pour établir leur stratégie pour voter contre le budget et le PTI», lance Yves Lévesque.

«Le pire, c’est qu’il n’y a jamais eu autant de présentations, affirme-t-il. Ils voulaient plus de budget pour les fêtes de quartier. On a doublé les budgets. On a même modifié les critères des budgets discrétionnaires pour permettre aux conseillers de mener divers projets. Les pistes cyclables auraient pu être là-dedans.»

Pas assez de temps

De son côté, le conseiller du district de Pointe-du-Lac, François Bélisle, affirme que son vote à l’encontre du budget et du PTI se voulait symbolique, notamment parce qu’il déplore le manque de temps alloué à la préparation du budget pour les élus.

«Il n’y a pas de concertation entre les conseillers. On a tous nos motifs pour avoir voté contre. Moi, ça fait quatre ans que le budget se fait à la presse. On nous lance un budget trois semaines avant de le voter. Cette année, en plus, les nouveaux devaient apprendre le vocabulaire. (…) Je pense aussi qu’après 16 années consécutives de hausses de taxes, on aurait pu se permettre une pause cette année et geler le compte de taxes. Ça aurait coûté 1,8M$. Oui, une hausse de 0,9%, c’est peu, mais je considère qu’on pouvait se permettre le gel des taxes cette année. Les gens veulent une pause», soutient-il.

Son collègue Pierre-Luc Fortin, conseiller du district des Estacades, souhaitait aussi prendre davantage de temps pour élaborer le budget 2018: «Ce que je voulais, c’est envoyer le signal qu’on est capable de s’offrir le Colisée, mais sans augmenter le fardeau fiscal, en donnant un répit aux citoyens tout en continuant d’offrir nos services de façon convenable. Je me suis fait parler du déneigement. Des trottoirs ne sont pas déneigés devant des écoles. Ça fait longtemps que je veux que ça se règle. Il n’y a rien de drastique dans ma position, mais je veux qu’on prenne le temps».

Même son de cloche pour Dany Carpentier, conseiller du district de La-Vérendrye, et Mariannick Mercure, conseillère du district des Forges, qui préféreraient bénéficier d’un mois supplémentaire pour élaborer le budget, puisque la loi demande une adoption avant la fin janvier.

Valérie Renaud-Martin, Sabrina Roy, Daniel Cournoyer, Michel Cormier, Ginette Bellemare et Maryse Bellemare s’étaient prononcés en faveur du budget.

«J’ai posé beaucoup de questions aux fonctionnaires sur les conséquences d’un vote contre le budget. Il y avait des impacts considérables. Je ne veux pas que les contribuables dépenses des sommes de plus pour ça», a plaidé Sabrina Roy, conseillère du district de la Madeleine.

Sa collègue du district des Carrefours et nouvelle élue, Valérie Renaud-Martin, affirme s’être sentie appuyée pendant l’élaboration du budget.

«J’ai voté en faveur parce que je ne considère pas que les gens m’ont élue pour envoyer un signal. Ils m’ont élue pour gérer les finances de façon intelligente et responsable. Pour ma part, voter contre est tout sauf responsable, car ce sont des millions de dollars qui sont en jeu. C’est un budget qui a été préparé par des gens compétents. J’ai posé des questions et on m’a répondu», a-t-elle indiqué en marge du vote.

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Encore des questionnements par rapport au Colisée

Du côté des grands chantiers pour 2018, le Plan triennal initial incluait le début des travaux du nouveau Colisée, la mise aux normes du stationnement de l’Autogare, l’acquisition d’appareils respiratoires pour la Direction de la sécurité incendie et sécurité civile, ainsi que des investissements de plusieurs millions de dollars dans le pavage des rues.

D’ailleurs, le dossier du Colisée posait encore problème pour certains conseillers dont la voix s’est élevée contre le PTI.

«Lors de mon porte-à-porte, je me suis engagé à ce que le Colisée ne constitue pas le seul élément de progrès dans la ville. J’ai trouvé des échos en ce même sens dans la salle du conseil. Ce n’est pas un hasard que la moitié du conseil soit nouveau. Je pense que les gens ont soif de changement. On a présenté quelques éléments qui auraient représenté une petite partie du budget, mais cet engagement aurait signifié un peu de progrès ou un changement de cap», commente Denis Roy, conseiller du district Marie-de-l’Incarnation.

Pas avant Noël

La prochaine rencontre entre les élus et les directeurs des différents services de la ville ne pourra pas avoir lieu avant le 8 janvier. Aucune adoption possible, donc, avant Noël.

Le budget et le PTI doivent être adoptés avant la fin du mois de janvier. Yves Lévesque affirme que le rejet du budget entraînera un impact économique de 320 000$ pour les contribuables.

Cela est principalement causé par le report de l’envoi des comptes de taxes municipales. Comme le budget ne sera pas adopté avant le 5 janvier, date normale d’envoi des comptes, ceux-ci devront être vraisemblablement postés en février.

Par ailleurs, le rejet du budget et du PTI a entraîné l’annulation de plusieurs points à l’ordre du jour du conseil de ville, lundi soir.

«Au niveau du PTI, ce sont des millions de dollars de conséquences puisque des projets seront retardés. D’habitude, on fait les soumissions tout juste après les fêtes, car on a de bons prix à ce moment de l’année. En retardant les soumissions, on court le risque que les prix augmentent. Si ça augmente, ça implique que la dette augmente et ça pourrait vouloir dire de laisser tomber des projets», indique le maire Yves Lévesque.

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Un nouveau Groupe des sept à la Ville?

Ce vote en défaveur du budget et du Plan triennal d’immobilisations annoncerait-il la venue d’une nouvelle opposition au sein du conseil, à la façon du Groupe des sept il y a quelques années?

Le maire Lévesque en est convaincu.

«C’est le Groupe des sept déguisé. J’ai eu des informations à l’effet que des anciens élus ont appelé des élus pour leur dire de voter contre le budget. Des élus autour de la table ont fait de même auprès de collègues. C’est de la petite politique. Il y a des gens qui veulent que je démissionne, mais ils ne me connaissent pas. C’est un budget extraordinaire qu’on venait de déposer.»

Le conseiller du district de Pointe-du-Lac estime quant à lui que l’opposition ne sera pas systématique.

«Chacun est libre de faire ses choses. On est redevable envers les gens de notre district. Personne n’a voté contre, cet après-midi, avec le sourire aux lèvres en disant qu’on donnerait une claque. On est stressé de faire ça, mais on veut envoyer le signal que c’est assez. Il faut travailler en équipe pour vrai et impliquer tout le monde. (…) C’est le nouveau conseil. Ça amène de nouvelles façons de faire. Là, c’était un événement», conclut-il.