Au coeur des conflits

SOLIDARITÉ. C’est avec grande humilité que la Trifluvienne Élisabeth Cloutier reçoit le Prix solidarité Brian-Barton 2016 du Comité de Solidarité/Trois-Rivières. «Je suis une travailleuse humanitaire parmi tellement d’autres», estime celle qui revient tout juste de sa dernière mission en République démocratique du Congo, auprès du Comité international de la Croix-Rouge.

En l’honneur du fondateur de l’organisme, le prix vise à reconnaitre une contribution exceptionnelle dans le domaine de la solidarité, ainsi que la promotion des valeurs de justice sociale, d’égalité et de respect.

Élisabeth Cloutier a grandi à Trois-Rivières. C’est après un préuniversitaire à Québec qu’elle part en tournée dans plusieurs pays avec l’organisme Up with people, où elle rencontre des gens de tous les horizons. «Je pense que c’est vraiment à ce moment que cet intérêt pour le monde est né», réfléchit-elle.  

Avant, pendant et après son baccalauréat en relations publiques à l’UQÀM et sa maîtrise en communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), ses implications se sont enchaînées, tant sur la scène locale qu’internationale. Le Comité de Solidarité/Trois-Rivières a d’ailleurs été un port d’attache entre les missions.

À un certain moment, après les bureaux de l’UNESCO à Paris, elle a senti le besoin de se rendre en zone de conflit.

Trois conflits oubliés

«On peut s’imaginer ce que ça représente, mais de voir comment ça se passe là-bas, de parler à des gens y vivent, qu’ils nous racontent leur histoire… ça un impact sur nous. Ça reste pour toujours. J’ai énormément d’admiration pour ces gens qui font preuve d’une résilience exceptionnelle.»

Élisabeth Cloutier s’est notamment rendue en Colombie, aux Philippines et en République démocratique du Congo avec le Comité international de la Croix-Rouge. «Ce sont des conflits qui sont oubliés, dont on n’entend pas beaucoup parler», observe-t-elle. Elle a elle-même eu de la difficulté à se renseigner avant de s’y rendre. Ces conflits souvent complexes et de longue date sont peu couverts ici.

Ses rôles à l’international ont été variés. Elle a notamment documenté les violations du droit international humanitaire en réalisant des entretiens confidentiels avec des victimes de conflits armés, développé et maintenu un dialogue bilatéral avec les porteurs d’armes, effectué des visites dans des centres de détention, organisé des événements auprès de communautés locales, de groupes de femmes et de personnes vivant avec le VIH.

En République démocratique du Congo, d’où elle revient tout juste, elle a dirigé une équipe faisait la promotion de messages-clés en lien avec les soins de santé en danger, les violences sexuelles, le respect du droit international humanitaire, etc.

Parmi les moments les plus marquants de cette feuille de route remplie, il y a, entre autres, cette libération d’otage en Colombie. «Ça faisait plus d’un an et demi qu’il était aux mains d’un groupe armé. Quand il est descendu de l’hélicoptère et qu’il a vu sa famille, c’est probablement l’un des moments les plus forts que j’ai vécus.»

Mais ces moments sont rares. «Il y a bien des fois où on arrive avec des mauvaises nouvelles», ajoute-t-elle.

Savoir critiquer son rôle

«C’est super important pour moi de ne pas véhiculer l’image du sauveur. On ne vient sauver personne. On vient se solidariser, appuyer en situation d’urgence», mentionne-t-elle.

D’ailleurs, elle croit qu’il est important pour les travailleurs humanitaires de savoir remettre en question leur travail. «Il faut avoir quand même pas mal d’autocritique et s’assurer de la pertinence de ce qu’on fait, s’assurer qu’on ne nuit pas plus qu’on aide. Il ne faut pas se complaire.» Elle croit qu’il faut savoir écouter, plus que parler. «Ils ont le droit de choisir de ce dont ils ont besoin.»

A-t-elle le sentiment, au fil de ces expériences d’avoir changé quelque chose? «Ce serait très prétentieux de dire que oui.»

Chose certaine, ces voyages, eux, l’ont changée. «Je suis plus consciente que chacun de nos choix ont un impact sur le reste du monde, que ce soit nos façons de voter, de consommer. J’ai une vision plus globale.»

Retour aux sources

Si les missions se sont enchaînées, elle se sent aujourd’hui à la croisée des chemins. «Je pense que je suis prête à revenir m’impliquer dans ma communauté. Des enjeux sociaux, il y en a mille et un. On peut travailler à faire bouger les choses ici», estime Élisabeth Cloutier. «Ça me manque de militer», ajoute-t-elle.

Quoi qu’il en soit, son choix sera assurément orienté vers une occupation qui n’est pas vide de sens et qui a un apport auprès de la communauté, que ce soit ici ou ailleurs.

Le prix qu’elle vient de remporter est d’ailleurs un joli coup de pouce en ce sens. «J’ai eu le privilège de travailler avec Brian Barton. C’est un homme qui était vraiment accessible et tellement généreux. Ça a été enrichissant, il avait une grande confiance en la relève. Ça donnait des ailes», se souvient-elle. Devant la liste des récipiendaires précédents, elle se dit d’autant plus touchée par cette marque. «Je connais leur implication sociale, ce sont des personnes qui m’impressionnent beaucoup.»

Quelques voyages:

– 1998: 25 pays avec Up with people, tournée d’un an en compagnie de 150 jeunes

– 2003: Cuba, prévention du VIH auprès de jeunes adolescents

– 2004: Mali, accompagnatrice d’un groupe Québec sans frontières,

– 2006: Mali, coordonnatrice des communications pour «Right to play»

– 2010: UNESCO à Paris, consultante à la Division pour l’égalité des genres

– 2013: Colombie, Comité international de la Croix-Rouge

– 2015: Philippines, Comité international de la Croix-Rouge

– 2015: République démocratique du Congo, Comité international de la Croix-Rouge

D’autres récipiendaires

Brian Barton, Claude Lacaille, sœur Mariette Milot, Jean-François Aubin, Louise Lebrun, Diane Lemay