Aleris: quand le public finance la contamination…et la décontamination

À l’ancienne usine d’Aleris Aluminium Canada, à Trois-Rivières, plus de 24 000 litres d’hydrocarbures se sont infiltrés dans l’eau souterraine. Le gouvernement lui-même est en partie responsable du désastre par le biais de l’ancienne Société générale de financement. Mais en 2010, la SGF a refusé de contribuer au nettoyage, selon plusieurs documents confidentiels qu’a obtenus Les Affaires.

Pendant neuf ans, l’institution financière provinciale fut partenaire des entreprises exploitant l’usine : l’américaine Reynolds (rachetée par Alcoa), puis la britannique Corus plc (rachetée par Tata Steel).

Sa part de la société en commandite qui faisait du laminage d’aluminium sur le site atteignait 50 % de 1997 à 2000, puis 40 % jusqu’en 2006, quand l’américaine Aleris l’a rachetée.

L’institution financière a fait cet investissement alors que Claude Blanchet, le mari de la première ministre actuelle, venait d’être nommé pdg.

Aujourd’hui intégrée à Investissement Québec, la SGF a reconnu sa responsabilité lors de la cession de la société de laminage du secteur Cap-de-la-Madeleine à Aleris International inc., en 2006.

Selon une clause du contrat de vente, le passif de la société d’État pouvait atteindre 60 M d’euros en dommages environnementaux, connus et inconnus, soit près de 90 M$ aujourd’hui.

Refus de décontaminer

À l’époque de la vente, le partenaire de la SGF était la britannique Corus, qui de son côté se reconnaissait une responsabilité pouvant atteindre 405 millions d’euros, soit près de 600 M$.

Pourtant, les deux sociétés ont refusé net de participer à la décontamination du site en 2010, pendant les procédures de faillite d’Aleris Canada. Le propriétaire actuel du site a voulu réclamer des sommes aux anciens maîtres des lieux en vertu de ces clauses.

Pas question, a répondu l’avocat de Corus et de la SGF. « Les indemnités prévues étaient destinées à Aleris International, inc. en tant que garant » et « les indemnités ne peuvent être réclamées » par une autre entité, affirme une lettre confidentielle du bureau Fraser Milner Casgrain au syndic Richter.

Trois ans plus tard, l’homme d’affaires américain Tim Martinez, qui a racheté le terrain et les immeubles pour 1 $ en 2009, assure que ce refus vient miner toute possibilité de décontamination.

Mais Investissement Québec n’a pas changé d’avis. « Le prix de la transaction avec Aleris International reflétait l’état de l’usine et du terrain. Lors de cette transaction, la SGF a essuyé des pertes de 30 M$ », écrit la porte-parole Chantal Corbeil dans un courriel.

Elle ajoute qu’Investissement Québec « n’a pas reçu de demande du MDDEFP ».

La société d’État souligne également que la maison-mère d’Aleris International, signataire de la transaction de 2006, existe toujours. La société exploite en effet 43 usines en Chine, en Europe, au Mexique, aux États-Unis… et même en Ontario !

À la fin du troisième trimestre de 2013, elle détenait pour 551 M $US de liquidités.

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