Aider les vétérans : le combat de Jenny Migneault

Militante pour les droits des vétérans et de leur famille depuis plusieurs années, la Trifluvienne Jenny Migneault a développé ces derniers mois un nouveau service pour aider les professionnels de la santé à aider les vétérans.

Évaluation Vétéran a pour mandat de faciliter le travail des professionnels de la santé qui desservent les vétérans des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada dans le cadre de leurs procédures avec Anciens Combattants Canada (ACC).

Concrètement, le service de Mme Migneault consiste à bâtir un dossier personnalisé à l’intention d’un professionnel de la santé pour faciliter l’évaluation du vétéran. Cette évaluation est cruciale dans le processus puisqu’elle sera ensuite acheminée à ACC, qui déterminera les services auxquels le vétéran a droit en fonction de celle-ci.

Le problème, c’est que, généralement, les professionnels de la santé n’ont que très peu d’informations pour poser leur diagnostic.

« Ils n’ont pas accès au dossier médical militaire et ils ne reçoivent pas d’information de la part d’Anciens Combattants Canada sur le contexte de la demande, soutient Mme Migneault. Très souvent, ils ne sont pas familiers avec le service militaire et ne comprennent pas le système d’ACC à qui ils doivent envoyer toute la paperasse. »

À cela, on ajoute toutes les difficultés communicationnelles des vétérans imposées par leurs blessures et la culture militaire dont ils sont teintés.

Et c’est là qu’intervient Mme Migneault. « Je vais chez les vétérans et je prends le temps de passer au peigne fin leur dossier médical militaire, de comprendre la nature de leur invalidité. Je prends le temps de ressortir toutes les preuves à l’appui, mentionne-t-elle. Les dossiers varient selon le professionnel concerné. Je travaille avec la disponibilité documentaire. Il y a déjà des documents auxquels les vétérans peuvent avoir accès. Le reste, c’est de la symptomatologie. Au final, le dossier que je transmets au professionnel de la santé est toujours approuvé par le vétéran. »

Ainsi, elle fait le pont entre les vétérans et les professionnels de la santé. « Mon service, c’est à la fois d’être la voix du vétéran et les yeux et les oreilles du professionnel de la santé, illustre-t-elle. Ça change tout pour les professionnels. Ils ont l’heure juste, avec des faits. Le vétéran va toujours minimiser ses blessures. C’est ce qu’ils ont appris à faire dans le cadre de leur service. Ils ne se plaignent pas et disent que tout va bien. Mais d’avoir ce dossier de présentation en main permet aux professionnels de la santé d’être plus efficaces et aux vétérans de recevoir les services appropriés. »

60 dossiers à travers le pays

Mis sur pied en mars dernier, Évaluation Vétéran a déjà aidé une soixantaine de vétérans à travers le pays, dont trois à Trois-Rivières. « J’ai des collaborateurs un peu partout au Canada, précise Jenny Migneault. Je suis supportée par le département de psychologie de l’Université de Calgary. »

Ce projet, c’est le résultat de son militantisme des huit dernières années. Dans chacune des provinces canadiennes, elle est allée à la rencontre des citoyens et des médias pour défendre la cause des aidants naturels des vétérans. Elle a d’ailleurs offert plusieurs conférences sur le sujet, elle qui a été mariée pendant quinze ans à un vétéran et qui est depuis six ans la conjointe d’un autre vétéran.

« Mon militantisme vient de ma colère de voir que les services ne se rendaient pas à eux, confie-t-elle. Si la condition d’un vétéran n’est pas représentée correctement à ACC, faire appel de cette décision, c’est un long processus. Par expérience, pour l’avoir vécu avec mon ex-mari, c’est un processus de douze ans. C’est un douze ans où ta vie et celle de ta famille sont chambardées. »

C’est pourquoi, en mars dernier, lorsque son conjoint lui a parlé du cas d’un de ses amis, elle n’a pas pu rester les bras croisés. « Cet homme s’endort tous les soirs en revoyant les horreurs qu’il a vécues. Ça faisait vingt-quatre ans qu’il vivait comme ça sans aller chercher d’aide, raconte Mme Migneault. Après son service, il a travaillé dans le civil malgré toutes ses difficultés, jusqu’à ce qu’il fasse un ACV dans le Grand-Nord. Paralysé d’un côté, il a été transporté en Gaspésie dans une résidence pour personnes âgées. Il a perdu son accréditation entre-temps. Tous ses services de réadaptation ont été arrêtés. »

« Ça n’allait pas du tout, poursuit cette dernière. Mon conjoint m’a demandé si je pouvais faire quelque chose pour lui. J’ai contacté une psychiatre que je connais pour lui demander de le voir, pour le mettre dans la machine d’ACC. J’étais tellement reconnaissante qu’elle accepte que je lui ai monté un dossier sur cet homme. Ç’a été mon premier dossier. La psychiatre a adoré et elle m’a demandé d’en faire d’autres en me référant ses clients vétérans. »

Dans l’action

Son expérience personnelle est certes un atout lorsque vient le temps d’entrer chez les vétérans et de gagner leur confiance. « C’est facile pour moi de comprendre ce qu’ils vivent, dit-elle. Je suis sensible à leurs gestes. Je connais le langage militaire. Je sais comment leur parler, comment les mettre en confiance et comment adapter mon comportement. »

Pour la militante en elle, ce travail lui permet d’obtenir satisfaction. « Ça me permet d’aider efficacement les gens. Je suis dans la solution concrète et pertinente. C’est ça que j’aime. Ce que je recherche, à la fin de la journée, c’est la satisfaction et la certitude d’avoir fait la différence pour quelqu’un qui vivait une situation difficile. Je ne veux pas changer sa vie, mais je veux changer cette situation difficile pour, en bout de ligne, éviter le suicide. Ça se produit encore trop souvent malheureusement chez nos vétérans », conclut Jenny Migneault.

Pour en apprendre davantage sur Évaluation Vétéran ou pour contacter sa fondatrice : evaluationveteran.ca