Rebâtir sa vie en français

Carlos Alexander Ruiz Mena est arrivé au Québec en octobre 2005. Obligé de fuir la Colombie avec sa famille, son père ayant reçu des menaces, il s’est retrouvé à 17 ans à Trois-Rivières sans parler un mot en français.

La famille connaissait Ivan Suaza, le directeur général du Service d’accueil des nouveaux arrivants (SANA), qui avait également dû fuir la Colombie. C’est ce qui les a menés à s’installer dans la Cité de Laviolette.

Il y a évidemment eu le choc culturel, la barrière de la langue et la perte de leurs repères. Cette immigration a représenté toute une adaptation pour la famille.

« J’ai commencé mon parcours en francisation en janvier. Pour moi, ça a été une étape difficile. Il y avait des cours pour les plus jeunes d’âge secondaire, sinon, c’était à l’école aux adultes, raconte Carlos Alexander Ruiz Mena. L’autre personne qui était plus jeune dans la classe était au début de la trentaine. J’ai trouvé ça difficile d’apprendre le français avec toutes ces personnes et avec mes parents. »

« C’était confrontant aussi, poursuit-il. Je me demandais parfois ce que je faisais là. Je pensais à mes amis en Colombie qui commençaient l’université, tandis que moi, je n’étais pas capable de dire: bonjour, je m’appelle Carlos. Je sentais un recul comparativement au niveau où j’aurais dû être normalement. »

Mais la famille a rapidement aimé le rythme de la ville. Son père a réussi à trouver un emploi assez rapidement. Les choses devenaient de plus en plus faciles au fil de leur intégration. Puis, Carlos Alexander Ruiz Mena a commencé à planifier la suite de ses études.

« Je me sentais pleinement Québécois »

Sa plus grande victoire, il l’a vécue après un an et demi de francisation: il était accepté au Cégep de Trois-Rivières.

 » J’avais réussi mon test de français d’entrée au Cégep.  Je me souviens qu’on avait dû écouter une dictée récitée sur une cassette… Ça a été tout un succès à mes yeux et ça a été un moment marquant dans mon apprentissage du français », souligne-t-il.

Au Cégep, il a commencé à s’impliquer au sein de l’Association générale des étudiants et dans les forums étudiants, ainsi que dans un projet de voyage humanitaire. « Je me sentais pleinement Québécois à la fin de mon cégep. »

Son expérience d’immigration l’a poussé à entreprendre un baccalauréat en Études internationales, puis un certificat en Diversité culturelle. « L’immigration, c’est plein de défis, mais ça m’a fasciné. »

Il redonne au suivant

Depuis, Carlos Alexander Ruiz Mena œuvre à faciliter l’intégration des nouvelles personnes arrivantes à Trois-Rivières.

Il a ensuite été embauché chez Stratégie Carrière pour aider les immigrants à intégrer le marché du travail, notamment en mettant sur pied un projet pour les jeunes immigrants de moins de 30 ans afin qu’ils se dotent d’un projet d’étude ou d’un projet d’emploi. 

Aujourd’hui, Carlos Alexander Ruiz Mena travaille à faciliter l’intégration des futurs étudiants internationaux de l’Université du Québec de Trois-Rivières (UQTR).

« Je les aide à remplir leur demande d’admission et je les informe. On est en contact jusqu’à ce qu’ils traversent les douanes. C’est un autre service qui prend alors le relais », précise celui qui complète présentement une maîtrise en Gestion de projet.

Dernièrement, le Trifluvien a remporté le prix dans la catégorie Personne réfugiée non francophone du Gala des Mérites en francisation organisé par l’Office québécois de la langue française.

« Je vois ce prix comme une fierté. Ça me confirme que j’ai gagné ma place comme Québécois. Ça me fait aussi penser à mes parents qui ont beaucoup sacrifié pour nous donner cette vie à mon frère et moi. Eux, c’est toute une vie qu’ils ont quitté quand nous sommes partis de la Colombie. Les professeurs de francisation sont dévoués. Il faut se donner la chance de mettre tous les efforts nécessaires pour apprendre le français. Pour moi, ça a été un cadeau extraordinaire. Ça vient me dire que tous ces efforts ont valu la peine », conclut-il.

Les Mérites en francisation des personnes immigrantes sont des distinctions qui visent à mettre en valeur le travail colossal effectué par de nombreuses personnes, organismes et institutions pour valoriser et renforcer la place du français au Québec.