Le métier de pilote maritime et ses difficultés

Depuis 15 ans, Alain Arseneault exerce le métier de pilote maritime sur le fleuve Saint-Laurent. Une profession hautement technique qui requiert des connaissances pointues.  

Pour naviguer sur le Saint-Laurent, il faut en connaître chaque petit recoin sur le bout de ses doigts. Quand un navire se rapproche des berges, le capitaine cède sa place au pilote derrière les commandes. Selon la distance à parcourir, plusieurs pilotes peuvent être mis à contribution.

«Le pilotage, ce n’est pas unique au fleuve St-Laurent, indique M. Arseneault. On en retrouve partout dans le monde. Le travail de pilote maritime, c’est uniquement de la navigation. On ne s’occupe pas des membres de l’équipage ni des opérations de cargaison comme le font les capitaines.»

«Plus le bateau est proche de terre, moins il y a d’eau et plus les risques sont grands, poursuit ce dernier. Il faut donc un niveau de connaissances locales élevé pour éviter des catastrophes. Et comme ce serait impossible pour un capitaine de connaître par cœur tous les ports qu’il visite dans le monde, les pilotes sont là pour prendre les commandes du bateau.»

Au Canada, on compte environ 450 pilotes maritimes, regroupés en différentes sections. La Corporation des pilotes du Saint-Laurent central inc. s’occupe du secteur s’étendant de Québec à Montréal, incluant le port de la métropole.

«On a environ 52 pilotes qui font la portion Québec – Trois-Rivières et environ le même nombre qui font Trois-Rivières – Montréal. On a aussi des pilotes pour le port de Montréal. Au total, on est environ 115 à la Corporation», précise M. Arseneault, qui est également président de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central inc.

De nombreux défis

Sur le fleuve, le travail des pilotes commence tout près de la municipalité des Escoumins, sur la Côte-Nord. Si le bateau se dirige vers les Grands Lacs, une dizaine de pilotes se relaient. «Le navire n’arrête pas. À bord d’une petite embarcation, le pilote vient se coller au navire et monte à bord. Tout ça en étant en mouvement, à une vitesse réduite, explique M. Arseneault. À Trois-Rivières, le changement se fait tout près du pont Laviolette.»

Entre Québec et Trois-Rivières, les défis du pilote sont les hauts-fonds et les forts courants dus aux nombreuses marées. De Trois-Rivières à Montréal, les marées ne sont plus un enjeu. Par contre, le chenal de navigation est très étroit. Alain Arseneault en sait quelque chose, lui qui navigue sur cette portion du fleuve plusieurs fois par année.

«Le chenal est coupé au couteau et doit être entretenu, sinon il n’y aurait pas assez d’eau, mentionne-t-il. Sur le lac Saint-Pierre, même si c’est un lac qui paraît très large, le chenal de navigation est seulement de 245 mètres de large. Et c’est très sinueux entre Trois-Rivières et Montréal. Il y a beaucoup de grosses courbes.»

«Souvent, sous la coque du navire, il y a à peine 1,5 mètre d’eau, ajoute-t-il. On ne peut pas sortir du chenal parce qu’il n’y a pas assez d’eau. Il faut savoir exactement où on s’en va. Je connais le fleuve par cœur, je pourrais le dessiner à l’échelle sur une carte.»

À tout cela s’ajoute une difficulté : les croisements. Les navires qui se dirigent vers le port de Montréal sont beaucoup plus gros qu’auparavant. M. Arseneault affirme que le volume des bateaux qui naviguent entre Québec et Montréal a augmenté de 45 % dans les 10 dernières années, ce qui diminue la marge de manœuvre des pilotes quand les navires se rencontrent.

L’hiver sur le fleuve

Naviguer en hiver demande aux pilotes d’accroître d’un cran leur vigilance. En saison hivernale, comme les conditions sont plus difficiles, on retrouve toujours deux pilotes à bord du bateau.

«Ça arrive aussi parfois l’été, selon le type de navire. C’est le cas notamment des pétroliers et des navires de croisières, précise le pilote maritime Alain Arseneault. Par contre, l’hiver, c’est un automatisme pour plusieurs raisons. D’abord, les bouées avec lesquelles on se guide l’été se retrouvent sous la glace en hiver. C’est aussi plus difficile parce que la glace frappe sur le navire. Il faut donc être capable de contrecarrer l’impact qu’a la glace sur les mouvements du bateau.»

«C’est une profession hautement technique, renchérit-il. Ça prend énormément de connaissances. On s’entraîne continuellement avec des simulateurs et des modèles réduits sur des lacs. Il est nécessaire d’avoir continuellement des formations et des entraînements.»

Afin d’aider les pilotes dans la réalisation de leur tâche, tous les navires doivent obligatoirement être munis d’équipements standardisés. Cela permet ainsi aux pilotes de prendre rapidement les commandes de n’importe quel navire, peu importe sa provenance à travers le globe.

«Les bateaux vont réagir différemment selon leur grosseur, leur poids et les tirants d’eau, mais c’est l’expérience du pilote qui entre en ligne de compte rendu là. Généralement, le pilote navigue à l’œil, mais il a avec lui des outils technologiques pour l’aider. Et quand il ne voit rien comme quand il y a du brouillard, il navigue au radar. Le pilote connaît par cœur les distances desquelles il faut qu’il soit de la côte en tout temps.»

Comme cela demande une très grande concentration, le pilote a besoin de prendre une pause après une affectation d’environ sept heures. «C’est un métier stressant, mais c’est tellement une belle profession», soutient M. Arseneault.

Un long parcours

Pour devenir pilote, il faut manger ses croûtes et faire ses preuves. Et tout cela demande du temps et de la passion. Né en bordure du fleuve dans la région de Québec, M. Arseneault a toujours été intrigué et fasciné par la navigation. Quand est venu le temps de songer à son avenir, il a décidé de devenir officier de la marine marchande. «J’ai choisi cette profession pour allier mon goût des voyages avec mon goût pour les bateaux», confie-t-il.

M. Arseneault a donc entrepris des études à l’Institut maritime du Québec, à Rimouski. Après un cheminement de quatre ans, il a obtenu son brevet d’officier de la marine marchande, en 1994. «C’est émis par Transports Canada et ça te permet de naviguer sur n’importe quel navire à travers le monde», indique-t-il.

Il a d’abord trouvé un emploi au sein d’une compagnie canadienne. Pousser par son désir de naviguer à l’international, il a ensuite décroché un poste pour une compagnie basée à Hong Kong. À l’automne 1995, il est donc parti pour l’Asie.

«J’ai travaillé là pendant un an et demi, se souvient-il. J’ai acquis de l’expérience au fil des ans et je suis monté en grade. Au départ, j’étais officier de troisième grade, puis j’ai obtenu le deuxième grade, le premier et, finalement, le titre de capitaine, qui est le poste ultime pour un officier de la marine marchande.»

Ce titre, il l’a décroché en 1999 et à l’âge de 29 ans, il a occupé son premier emploi comme capitaine dans les Maritimes. «J’étais sur un pétrolier. C’était pour moi un bel accomplissement de m’être rendu jusque-là», lance-t-il.

C’est d’ailleurs durant ces années à naviguer sur le fleuve qu’Alain Arseneault a découvert le métier de pilote du Saint-Laurent et qu’il a entrepris de gravir les échelons jusqu’à l’obtention du titre, en 2003.