Expérience traumatisante pour une personne trans à la prison de Trois-Rivières

Jade Hamel a vécu une expérience traumatisante, en octobre dernier, lors de son passage au centre de détention de Trois-Rivières. La Shawiniganaise rapporte plusieurs lacunes, de la confusion et même un manque de respect envers son identité. Née dans un corps d’homme, elle est pleinement assumée en tant que femme depuis maintenant plusieurs mois. Mais il semble que le milieu carcéral ne soit pas encore tout à fait bien préparé à cette réalité. 

Dans la nuit du 1er au 2 octobre, Mme Hamel a été arrêtée et conduite au poste de police de Shawinigan où elle a passé la nuit. « Tout s’est bien déroulé là-bas, mon identité a été respectée, dit-elle. Le lendemain, j’ai comparu à Québec. »

En raison de procédures judiciaires, elle a été conduite à l’établissement de détention de Trois-Rivières, une prison pour hommes. « Durant le transport, j’avais peur. Je me demandais pourquoi j’étais conduite là-bas, parmi des hommes, confie-t-elle. C’est comme si le sexe auquel je m’identifie n’avait pas d’importance et n’était pas pris en compte. Je pensais qu’on allait me conduire dans un établissement pour femmes ou dans un endroit mieux adapté à ma situation. Je pleurais et j’avais peur de sortir de l’auto. » 

« Dès mon arrivée, j’ai constaté un sérieux manque de formation, raconte Mme Hamel. Il n’y avait pas de procédure pour les personnes dans ma situation et je sentais que tout le monde se renvoyait la balle. Plusieurs personnes me parlaient au masculin, faisant totalement abstraction du genre auquel je m’identifie. Je pouvais voir leur malaise et les voir ne pas trop savoir quoi faire avec moi, pour la fouille notamment. »

Puis, on lui a annoncé qu’elle serait détenue à Trois-Rivières, parmi les hommes, mais qu’elle serait placée « dans un coin tranquille ». Mme Hamel se souvient avoir passé deux nuits à cet endroit avant qu’une personne arrive et fasse avancer son dossier. 

« Une femme est venue me rencontrer et elle m’a posé des questions sur mon identité, rapporte Mme Hamel. Elle a fait en sorte que je puisse être transférée à Leclerc (établissement de détention pour femmes à Laval) où j’ai terminé ma détention, dans une section avec des personnes trans comme moi. »

De retour chez elle, Mme Hamel se confie avec émotion. Cette histoire reste pour elle une expérience traumatisante. « Ils ne connaissaient pas ça, lance-t-elle. J’ai l’impression qu’il n’y avait pas de cadre. Tout tournait autour de l’organe (pénis), sans prendre en compte mon identité, le genre auquel je m’identifie. Ç’a vraiment été une expérience traumatisante. » 

La procédure

Du côté du ministère de la Sécurité publique, on nous explique que la procédure pour les dossiers concernant les personnes transgenres est la suivante : « À la suite de leur arrestation ou d’une comparution devant un tribunal, les personnes devant être incarcérées sont amenées dans un établissement de détention provincial par des policiers ou par des agents des services correctionnels. À ce moment, elles sont généralement conduites à l’établissement de détention le plus près ou, dans la grande région de Québec ou de Montréal, à celui qui correspond à leur sexe de naissance ou apparaissant sur leurs papiers d’identité », mentionne Louise Quintin, relationniste pour le ministère de la Sécurité publique.  

« Au moment de leur prise en charge, toutes les personnes sont soumises à une évaluation visant à déterminer leur classement, c’est-à-dire le secteur d’hébergement le plus approprié, ajoute cette dernière. Cette décision est notamment tributaire de leur besoin d’encadrement sécuritaire, lequel est déterminé en fonction de critères comme l’âge, le statut, l’appartenance à une organisation criminelle ou terroriste, les accusations courantes et les antécédents et les manquements disciplinaires antérieurs. Les besoins en matière de soins de santé et de protection sont également considérés pour déterminer le secteur approprié. »   

Une analyse plus complète

Dans le cas d’une personne transgenre, en sus de ces éléments, une analyse plus complète est effectuée en vue de déterminer l’établissement approprié. « Bien sûr, les autorités correctionnelles appuient leur décision sur le genre auquel la personne s’identifie et sur sa préférence en matière d’hébergement, mais ils tiennent également compte d’un ensemble d’autres facteurs pour lui offrir les conditions les plus raisonnables, sûres et humaines possible », précise Mme Quintin.   

Ces facteurs peuvent notamment être le genre indiqué sur les documents légaux, les démarches en cours au regard d’un changement de mention du sexe sur ceux-ci, la présence d’organes génitaux masculins et/ou féminins et les traitements hormonaux.

Pour déterminer l’établissement approprié, des discussions ont lieu entre les représentants de l’établissement pour hommes et de l’établissement de détention pour femmes susceptibles d’accueillir la personne, afin d’évaluer les différentes options.

« À moins d’enjeux insolubles en matière de santé ou de sécurité, pour la personne elle-même ou les éventuels codétenus, la personne est dirigée vers un secteur ou un établissement de détention conforme au genre auquel elle s’identifie ou, par exemple dans le cas d’une personne non binaire, à sa préférence en matière d’hébergement, indique Mme Quintin. Afin de permettre à la personne transgenre de prendre une décision éclairée, elle est informée des conditions de détention qui devront y être appliquées pour assurer sa sécurité et celles des autres personnes incarcérées. »   

En fonction de l’option retenue, des exceptions aux règles en vigueur dans un secteur peuvent être accordées. Par exemple, l’autorisation de porter une robe, des bas de nylon et un soutien-gorge dans un établissement de détention pour hommes où la possession de tels articles vestimentaires n’est généralement pas autorisée.   

Et les fouilles?

De plus, Mme Quintin soutient que les personnes transgenres peuvent également faire connaître leurs préférences par rapport aux fouilles corporelles. « Ainsi, peu importe l’établissement où elles se trouvent, elles peuvent choisir d’être fouillées exclusivement par un agent des services correctionnels (ASC) de sexe masculin, exclusivement par une ASC ou en partie par un ASC et en partie par une ASC », répond-elle.    

Par ailleurs, Mme Quintin confirme qu’une formation est offerte aux employés du milieu carcéral sur la réalité des personnes transgenres. Le sujet des vulnérabilités de la communauté LGBTQ2S+ est abordé dans le cadre du Programme d’intégration à la fonction d’agents des services correctionnels, qui est offert à l’École nationale de police du Québec. 

De petits gestes, une grande différence

Intervenante aux services d’écoute et de soutien de GRIS Mauricie/Centre-du-Québec, Sarah Lemay, rappelle que mégenrer une personne apporte son lot d’émotions négatives et que les conséquences peuvent être graves. 

« Mégenrer une personne, ça crée des émotions vraiment désagréables pour la personne concernée. C’est vraiment blessant et ça peut être traumatisant, soutient-elle. C’est comme de dire à cette personne qu’elle n’existe pas ou qu’elle n’existe pas correctement. C’est un refus de son identité. »

Mme Lemay rappelle qu’il existe plusieurs pratiques simples et inclusives à mettre en place lorsqu’on s’adresse à une personne trans. « On peut, dans un premier temps, demander quel pronom utiliser. Ça démontre une ouverture. Si on est gêné de demander le pronom, on peut se présenter en disant notre nom et le pronom qu’on utilise pour nous. Par exemple, je suis Sarah et j’utilise le pronom elle. Ça montre mon ouverture et ça montre que je comprends les diverses réalités. Ça ouvre la porte à la personne en face de moi pour me dire de quelle façon elle souhaite que je m’adresse à elle », explique Mme Lemay.

Peu importe l’approche choisie, l’idée, c’est de garder en tête d’être respectueux et bienveillant. « Si on se trompe et que la personne nous précise qu’on n’utilise pas le bon pronom, le mieux à faire, c’est de s’excuser et d’utiliser le bon pronom par la suite », indique Mme Lemay.