Églises converties: des lieux difficiles à rentabiliser

Depuis une décennie, pas moins de 285 églises du Québec ont changé de vocation ou sur le point de l’être, révèlent des données obtenues par TC Media.

La majorité de ces églises ont été converties. Elles ont été mutées en centres communautaires, en bibliothèques, en salles de spectacle ou même en immeubles à logements abordables, d’après une compilation scrupuleuse du Conseil du patrimoine religieux du Québec (CRPQ).

Et ce n’est pas fini: au moins 50 églises délaissent annuellement en tout ou en partie leur fonction religieuse à travers la province.

À Trois-Rivières, cela a notamment été le cas de l’église Sainte-Cécile, aujourd’hui devenu un lieu de diffusion culturelle géré par la Corporation Spect-Arts, ainsi que l’église anglicane St. James, devenu le Centre des Récollets-St. James, également vouée à accueillir des activités culturelles.

L’église Sainte-Cécile n’accueillait plus que 40 personnes par messe, en moyenne, et une réflexion s’est amorcée au sujet de l’avenir de l’église. Des problèmes financiers concernant l’église commençaient à se manifester. Des rencontres publiques ont été tenues avec les résidents de la paroisse et des environs pour évaluer la possibilité de changer la vocation de l’église.

«De tous ces commentaires est née l’idée de conserver l’église au sein de la communauté. Je me souviens lorsque, étant enfant, j’allais à la messe, les gens se rassemblaient sur le perron de l’église et discutaient entre eux. On voulait conserver cet aspect de rassemblement. Aujourd’hui, on cherche ce genre de lieux, mais on en trouve peu», explique Jean-François Aubin, président du conseil d’administration de la Corporation Spect-Arts.

Le processus a été long: il a fallu réunir des gens intéressés à mettre sur pied et gérer la nouvelle organisation qui serait créée, négocier avec le Diocèse de Trois-Rivières des modalités de la vente de l’église, s’assurer que le projet ne contreviendrait pas à la clause de moralité et asseoir la crédibilité des personnes impliquées dans le projet.

À elle seule, la discussion avec le Diocèse a duré près d’un an. Finalement, l’église a été vendue au coût de 200 000$ et a ensuite été désacralisée.

D’après la professeure titulaire à la Faculté de théologie et des sciences de la religion à l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire religion, culture et société, Solange Lefebvre, le Québec est en avance sur plusieurs pays –notamment européens – lorsqu’il est question de trouver un nouvel usage aux églises.

«On est plus avancé dans la mesure où on en convertit déjà, estime-t-elle. On a assumé le fait qu’il fallait [convertir ces églises].»

Les gens sont heureux

Mais convertir une église en un lieu ayant une vocation complètement différente n’est pas des plus faciles.

Dans le cas de l’église Sainte-Cécile, il a d’abord fallu assurer le bâtiment, de sorte qu’une évaluation spéciale a été nécessaire. Certains dispositifs devaient être mis aux normes, notamment le système de gicleurs en cas d’incendie. Par ailleurs, différents travaux d’aménagement se sont avérés nécessaires.

«Par exemple, on ne disposait que d’une seule toilette. Ce n’est pas commode lorsque tu accueilles 400 personnes pour un événement! On voudrait aussi mener la réfection de l’orgue Casavant, mais c’est dispendieux. On a eu quelques réparations à effectuer sur le système de chauffage et sur la toiture. Autre exemple: certaines ampoules ont commencé à brûler… et on s’est rendu compte que le modèle d’ampoule était discontinué! Ce seront différents éléments qu’on doit prendre en considération. On y va un jour à la fois, petit peu par petit peu (…) Ce ne sont pas des lieux faciles à rentabiliser», précise Jean-François Aubin.

«Mais en général, on reçoit des commentaires positifs. Les gens sont heureux de pouvoir profiter de leur église. On essaie de varier les activités tout en s’assurant qu’elles soient accessibles au gens à faible revenu. Je pense que pour les gens du quartier, ça devient un lieu qui favorise l’esprit de communauté. J’aimerais qu’un jour, on puisse installer une petite terrasse où les gens pourraient boire un café avant ou après une activité, que ça devienne une plaque tournante du quartier», ajoute-t-il.

Au Québec, les églises ont été modifiées pour abriter des condos dans moins de 1% des cas.

«Des projets de condos, ce n’est pas l’avenir. Il y a toutes sortes de modifications qui doivent être faites pour essayer d’améliorer la qualité de vie des occupants et leur coût est énorme», indique pour sa part Denis Boucher, chargé de projet du CRPQ.

(En collaboration avec Marie-Eve Shaffer)