Ma vie avec les souris
Il y a des trucs dans la vie qui te collent aux fesses toute ta vie.
Gosse, j’habitais dans un rang de campagne. Qui dit maison de campagne dit souris. Le soir avant de m’endormir, je fixais souvent un petit trou dans le plancher du corridor. Tout petit le trou. Mais assez gros pour laisser passer une souris.
Une fois que tout le monde dormait, elle sortait la tête. Mignonne la souris, avec les poils de sa moustache, ses yeux noirs et son air angélique. Puis, elle sortait du trou et furetait un peu partout.
Elle finissait par entrer dans ma chambre, s’approchait du lit. Mon défi était de ne pas bouger pour ne pas l’effrayer. Et là, je la contemplais. J’avais tout le temps de la contempler. Et je jouissais de savoir qu’elle ne se doutait de rien. Jusqu’au moment où mon corps d’enfant ne pouvait plus tenir en place. Suffisait d’un froufrou dans le lit et la souris disparaissait dans le trou à la vitesse de l’éclair.
Le long des jambes
Un jour, l’un de mes frères monte se coucher. Il se glisse dans les couvertures. Tout à coup, il pousse un cri et saute du lit. Une souris venait de lui courir entre les jambes. Pouvez-vous imaginer la sensation?
Une fois, l’un de mes frères enfile sa chaussure. Il sent un « moton » au bout du pied. Il retire le pied. C’était une souris morte.
Dans le désert
Nous étions dans un désert d’Égypte. Ma copine avait insisté pour dormir à la belle étoile. Ahmed notre guide n’était pas d’accord, mais il a fini par céder.
Il nous a laissé des couvertures avant de retourner chez lui.
-Ahmed, ai-je demandé, tu nous jures qu’il n’y a pas de serpent par ici?
-Il n’y a aucun animal dangereux, a-t-il répondu, vous pouvez dormir en paix. Je reviendrai vous chercher demain matin.
Ma copine et moi on s’enroule dans nos couvertures. La nuit tombe. C’est fou comme qu’il fait noir! On ne voit rien. Silence total aussi. On se sent seul au monde. Et on finit par s’endormir.
-Jocelyn, me dit ma copine quelque part dans la nuit en me poussant du coude.
Je grogne.
-Jocelyn, réveille-toi!
-Qu’est-ce qu’il y a?
-Quelque chose vient de passer sur moi, par-dessus les couvertures.
-Mais non, c’est impossible. Ahmed l’a dit, il n’y a rien par ici. Fais dodo.
Quelques minutes plus tard:
-Joce, j’en suis certaine, il y a une bébitte qui court sur nos couvertures.
-Ben non, il n’y a rien. Ferme les yeux et dors.
Quelques minutes plus tard, j’entends un bruit.
-Lyne, tu as raison, nous ne sommes pas seuls.
-Ben non, tu rêves, rendors-toi, dit-elle pour me narguer.
Nerveux, on se lève d’un coup. On reste aux aguets, collés l’un à l’autre. On entend des couic couic. Mais essayez de trouver la bête quand il fait noir comme chez le diable! On ne voyait rien.
L’ennemi avait le beau jeu. Il nous observait, on le savait. Mais qui était-il? Et où était-il?
-Joce, t’aurais pas de la bouffe sur toi par hasard? me demande Lyne.
J’étais humilié de lui répondre que, oui, j’avais mis des biscuits dans mes poches. Tout broyés les biscuits d’ailleurs. J’avais aussi un sac de biscuits dans mon sac à dos. On s’apercevra plus tard que le sac à dos s’est fait ronger.
Je m’empresse de jeter les biscuits le plus loin possible. Allez, bouffez les p’tits amis! Puis on prend la direction inverse et on s’étend sur le flanc d’une dune. On finit par s’endormir.
Ahmed se pointe à l’aube. On l’attend de pied ferme. « Ahmed! Tu nous a menti », et on lui raconte l’histoire.
Ahmed éclate de rire. « Ce devait être des souris du désert!»
On les appelle les gerboises. Ma copine est tombée en amour avec elles. Elles ont des grands yeux. Et une longue queue aussi. Si je suis jaloux? Non.
Le patron en rajoute
En septembre dernier, grosse assemblée à St-Jérôme. La plupart des décideurs de l’ensemble des journaux de TC. Média sont là. Mon ancien patron à Laval, maintenant vice-président, distribution et journaux Québec/Ontario, fait son discours.
Il parle de l’industrie du voyage aux décideurs. Tout à coup, il m’aperçoit et dit en riant : «C’est pas comme mon ami Jocelyn (les décideurs se retournent vers moi) qui dort avec les souris dans le désert. Je dois vous dire que Jocelyn voyage en Égypte et d’autres pays comme ça. Il aime l’aventure. Tu sais Jocelyn, tu peux venir dormir chez nous. J’en ai des souris à ma maison de campagne. Pas besoin d’aller si loin.»
Il y a des trucs dans la vie qui te collent aux fesses toute ta vie.