«J’ai toujours été en combat avec moi-même»

Philippe Vachon revient de l’Invitation de natation Pointe-Clair Provinciale AA/AAA où il a décroché un record du monde au 800 mètres, rien de moins! Ce n’est pas vilain du tout pour cet athlète au parcours inspirant.

Membre du Club de natation des Mégophias de Trois-Rivières, Vachon a brisé la marque mondiale au 800 m libre S8 avec un temps de 9 min 53:77 sec. Son temps ne sera malheureusement pas officialisé, car la compétition n’est pas reconnue par la World Para Swimming (WPS).

Le jeune homme de 23 ans pratique la natation depuis 2010 après qu’il eut développé la maladie du Charcot-Marie-Tooth.

«Avant d’avoir ma maladie, je faisais beaucoup de sports, dont le judo que je commençais tout juste à pratiquer. Comme la maladie rendait mes jambes trop fragiles, le judo n’était plus une option, alors j’ai transféré vers la natation. Sans qu’on le sache, je me suis retrouvé dans un groupe avec des nageurs handicapés et ça ne me dérangeait pas du tout. Le coach m’a bien accueilli et il a été très humain», explique celui qui étudie au Certificat en Psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

«C’est lui qui a fait naître ma passion pour la natation. Après trois sessions de nage, il m’a approché pour me dire que j’avais du potentiel dans l’eau. J’ai ensuite participé au Défi sportif où j’ai remporté trois médailles d’or dans trois nages différentes. Je me suis dit qu’il avait peut-être raison et mon parcours s’est poursuivi avec les Jeux du Québec, les Jeux du Canada, deux essais olympiques et les Jeux du Commonwealth. Je vise maintenant les championnats du monde qui auront lieu l’été prochain en Malaisie.»

Le Charcot-Marie-Tooth est une maladie rare et dégénérative, affectant les nerfs. Chez Philippe Vachon, la maladie atteint sa gaine de myéline, ce qui fait en sorte que l’influx nerveux qui relie son cerveau à ses muscles fonctionne moins bien. C’est pour cette raison que ses muscles s’atrophient.

«Je suis affecté des chevilles aux genoux, ainsi qu’aux mains. Pratiquer la natation m’aide beaucoup à conserver cette masse musculaire», ajoute le natif de Blainville.

Cette maladie peut se déclarer dès l’enfance, mais également se développer assez tard, à l’âge adulte. En général, la CMT évolue lentement, mais elle peut aussi progresser par poussées.

«Je me suis toujours comparé à moi»

Cela ne l’empêche pas de se dépasser au quotidien dans son sport. D’ailleurs, ce qu’il préfère dans ce sport, c’est le fait de repousser ses limites le plus loin possible.

«Benoit Huot m’a inspiré sur une courte période. Je ne veux pas paraître égoïste ou narcissique, mais je me suis toujours comparé à moi, à savoir jusqu’où je pouvais me rendre et jusqu’où je pourrais pousser la machine et me dépasser. J’ai toujours été en combat avec moi-même, car j’ai toujours vu mon handicap comme un adversaire qui voulait essayer de me rabaisser et de me restreindre.»

«Je suis très compétitif et très combatif, poursuit-il.  J’aime aussi l’aspect social de ce sport, car à tous les jours, on voit les mêmes personnes avec qui on partage les joies et les peines, que ce soit dans les compétitions ou dans les entraînements. Ça devient une deuxième famille»,

Philippe Vachon s’entraîne à raison d’une quinzaine d’heures par semaine incluant sept séances sous l’eau. De son propre aveu, il y a certains matins où il resterait dans son lit, mais il respecte sa devise: «Il n’y a pas de repos pour les braves».

Tokyo 2020 dans la mire

Le paranageur vient d’entamer sa troisième année avec le Club de natation les Mégophias avec lequel il a d’ailleurs marqué l’histoire, considérant qu’il est le premier paranageur à se joindre au club.

«Ils étaient excités de voir comment ils pouvaient gérer ça et ce qu’était le monde de la paranatation. Ils étaient excités aussi de voir ce que je peux apporter au club, car je fais des compétitions de haut de niveau. C’est de voir les jeunes qui se disent: «Wow, il est handicapé et il est capable de se dépasser», alors ça les motive à se dépasser eux aussi.»

Les paranageurs sont catégorisés de S1 à S10, S1 étant très handicapé et S10 peu handicapé. Les catégories S11 à S13 sont réservées aux athlètes malvoyants, tandis que S14 est spécifique aux athlètes ayant un handicap mental. Philippe Vachon est passé de la catégorie S9 à S8, ce qui devrait l’avantager lors de la prochaine séance d’essais en vue des Jeux de Tokyo 2020.

«J’ai vraiment en mire les Jeux paralympiques de Tokyo. Ensuite, je déciderai si je me concentre sur les Jeux de Paris de 2024 ou sur mes études. La raison principale pour laquelle je n’étais pas sélectionné, c’est que j’étais classé S9, c’est-à-dire avec des athlètes moins handicapés que moi. J’étais un S9 plus handicapé que la normale, je dirais. Je me suis fait réévaluer S8 et j’ai pu, depuis ce moment-là, performer sur la scène internationale. Mon handicap est maintenant considéré à sa juste valeur, si je peux dire.»

Il se retrouve également finaliste au prochain Gala Sport-hommage de la Mauricie dans la catégorie «Athlète masculin par excellence de niveau international» avec Alex Bellemare (ski acrobatique), Dominik Crête (canoë-kayak) et Isaac Lefebvre (softball).

«Je suis très flatté, car c’est Sport-hommage Mauricie et je ne viens pas de la Mauricie en tant que tel. Le fait que je sois quand même en nomination et qu’ils reconnaissent mes exploits font en sorte que je me sens vraiment inclus à Trois-Rivières. Ça me donner envie de m’impliquer davantage à Trois-Rivières», témoigne-t-il.

Des Jeux du Commonwealth mémorables

Deux grandes fiertés animent Philippe Vachon.

«D’abord, ma présence aux Jeux du Commonwealth, en Australie, est mémorable, car j’ai remporté une médaille de bronze devant 10 000 personnes. C’est un moment extraordinaire dont je me rappellerai toujours», lance-t-il.

Son autre fierté, c’est son implication, car après ses grosses compétitions, il se déplace dans des écoles primaires pour parler de son sport.

«Je veux promouvoir la paranatation. J’essaie d’inciter les jeunes à faire plus de sport. Quand je parle de mon histoire et qu’ils m’écoutent, je sens que c’est un privilège pour moi de faire ça», conclut-il.

Son prochain défi sera de qualifier pour les championnats du monde qui auront lieu en Malaisie l’été prochain.