En colère contre la loi 20

SANTÉ.Pour Patricia Marchand, le projet de loi 20 que souhaite faire adopter Gaétan Barrette ne tient pas la route. Pour celle qui œuvre comme médecin de famille, le ministre de la Santé essaie de gagner la faveur du public en jouant avec les chiffres.

«On peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres. Il a pris les 60% qui travaillent le moins et les a mis à l’avant-plan. Tout dépend de qui on prend. Il fait passer les médecins pour des paresseux, c’est insultant», lance-t-elle d’emblée.

«Il veut amener la faveur du public de son côté. Quant à moi, c’est un énorme conflit d’intérêt en tant qu’ancien président de la Fédération des médecins spécialistes. L’argent ne fera jamais sortir les médecins dans les rues, on n’est pas belliqueux par rapport à l’argent. On veut nous amener au travail à la chaîne et nous faire passer pour des paresseux», affirme-t-elle, en colère.

Ce qui inquiète le plus Mme Marchand, ce sont les conséquences sur les soins de santé.

«C’est choquant, parce que c’est l’ensemble des soins qui seront touchés. Ça n’a pas de bon sens, ça va restreindre les gens dans leurs bobos. On ne peut pas foutre les gens dehors de notre bureau. Il faudrait 10 minutes par bobo et que ce soit fini. C’est une question de respect de la personne devant nous.»

Patricia Marchand s’indigne de voir les agissements du ministre de la Santé.

«On ne donne pas la vraie lumière aux gens. Ce sont des demi-vérités. On ne se fait pas d’idées, on n’aura pas la faveur du public, on gagne un bon salaire et on n’est pas dans la misère, mais souvent, les gens ne comprennent pas qu’on continue quand ils quittent le bureau. Pour les gens, on n’a pas toujours l’air disponible. C’est incroyable comme nous sommes submergés de formulaires. Il y a plein de choses qui sont énormément choquantes», rage-t-elle.

«Ça fait 10 ans qu’on se bat pour l’image de la médecine familiale et pour éviter que des gens passent beaucoup de temps à l’urgence. L’image qu’on essaie de donner est choquante.»

Le projet de loi 20 comprend notamment la prise en charge de davantage de patients, une mesure totalement irréaliste pour la docteure.

«Je n’ai même pas le goût d’essayer de remplir les quotas qu’il (Gaétan Barrette) veut imposer. Beaucoup de gens en feront de même, selon ce que j’entends. On se rendrait malades et on n’a pas le goût», tranche-t-elle.

«En plus, le 80% de fidélisation de la clientèle est, selon moi, le plus dangereux. Si on ne remplit pas ce critère comme médecin, on se fait couper dans notre rémunération, mais c’est une chose sur laquelle on n’a aucun contrôle. Ce que je retiens, c’est que tu as beau te conformer, mais tu te fais couper quand même. Comme on sait qu’il y a beaucoup de femmes dans le domaine, c’est carrément misogyne de vouloir procéder de la sorte. Ce n’est pas que Gaétan Barrette ne connait pas la réalité. Il s’en fout.»

L’avenir

Bien qu’elle soit déçue des mesures que veut implanter son «patron», Patricia Marchand tente malgré tout de demeurer positive.

«La formation n’est pas adaptée pour ce que demande Gaétan Barrette. Il demande un changement de culture et ça ne se fait pas avec une matraque. Les personnes âgées, les soins palliatifs et les soins à domicile, notamment, seront les plus touchés. L’impact est énorme sur la qualité des services. C’est sournois. Ça enlève toute la valorisation personnelle», soutient-elle.

«Ça nous ébranle. Pas juste comme professionnel. Comme individu, aussi.»