Le cerveau devient-il paresseux?

Notre cerveau deviendrait-il paresseux avec le temps? Il n’y a pas si longtemps, il était aisé de retenir plusieurs numéros de téléphone ou de mémoriser facilement de nombreuses adresses. Aujourd’hui, la technologie prend une partie de cette place autrefois réservée exclusivement à notre mémoire.

«Ça a été démontré que l’utilisation des technologies vient carrément modifier la façon dont les synapses se connectent entre elles et ça, ça rend paresseux. Aujourd’hui, avec les GPS, on ne regarde même plus où on s’en va et on se fie aveuglément à ce que l’appareil nous dit», indique Dominique Comtois, professeur de sociologie au Cégep de Trois-Rivières.

Cette théorie est d’ailleurs démontrée dans le livre «Internet rend-il bête? (V.O. The Shallows)» de Nicholas Carr. Ce dernier explique que le cerveau serait plastique et se modifierait assez rapidement.

«L’auteur commence en retraçant l’évolution de l’être humain en mentionnant qu’au départ, la tradition orale primait sur l’écriture. Par la suite, nous avons commencé à écrire sans possibilité de stocker l’information donc il fallait continuer de lire à haute voix jusqu’à ce qu’on arrive à l’utilisation des technologies», informe M. Comtois.

Le cerveau se diversifie

Pour sa part, Pierre Michaud, enseignant au collégial depuis 22 ans et professeur de philosophie au Collège Laflèche, y va d’une autre explication.

«Je ne dirais pas que le cerveau s’affaiblit, mais plutôt qu’il se diversifie. Avant, nous étions beaucoup moins sollicités pour tous les procédés de recherche d’informations et de catégorisation. Maintenant, on doit classer toutes ces informations sur nos diverses plateformes (téléphones intelligents, tablettes, ordinateurs) si nous voulons nous retrouver. Nous assistons à une réorganisation de l’information. Les parties du cerveau utilisées sont différentes de celles d’autrefois. Ce changement donne l’impression que les capacités de réfléchir de la nouvelle génération sont diminuées, mais ce n’est pas le cas. C’est clair qu’il y a des choses qui sont moins sollicitées, mais est-ce que c’est une perte sèche? Je n’en suis pas certain», signale-t-il.

«De tout temps, on a toujours considéré que le fait de moins retenir par cœur altérait l’acuité du cerveau et qu’on devenait moins performant. Socrate n’écrivait pas, il retenait par cœur et en voulait à l’écriture, car écrire voulait dire que nous n’étions plus capables de mémoriser», fait mention M. Michaud.

Sur les bancs d’école

Le sociologue et le philosophe ont également des points de vue opposés en ce qui concerne l’évolution des étudiants sur les bancs d’école. Si l’un est catégorique, l’autre est un peu plus posé dans ses affirmations.

«C’est de plus en plus difficile pour les étudiants de garder leur attention sur ce que le professeur explique, car les distractions sont nombreuses. De simplement prendre le temps de lire un livre pendant une heure ou deux, on le fait de moins en moins, car tout est accessible facilement sur Internet. Admettons que je demande à mes étudiants de faire une division avec un crochet, ils ne sont plus capables de le faire, car ils se servent toujours de la calculatrice. De plus en plus d’auteurs se sont penchés sur ce phénomène et le constat est que nous ne retenons plus d’informations. Jeux vidéo, Internet, téléphones intelligents, c’est de l’instantanéité tout le temps et nous voyons actuellement les conséquences. Pour un jeune, de lire plus de quatre pages, c’est quelque chose d’énorme et pour s’en sauver il va chercher le résumé sur Internet. La technologie a rendu notre cerveau paresseux, carrément!» affirme M. Comtois.

En se basant sur sa vaste expérience du monde de l’enseignement, M. Michaud refuse de jeter tout le blâme à la nouvelle génération.

«Un étudiant qui réussit bien aujourd’hui en est un qui s’occupe et qui a un projet. Ce dernier va retenir ce qu’il a retenir pour arriver à ses fins et ça, ce n’est pas lié à la technologie. Pour la lecture, ça dépend du livre. Oui, ils vont chercher sur Internet, mais pas nécessairement pour avoir un résumé. C’est plutôt pour avoir une opinion différente. Autrefois, nous allions à la bibliothèque pour cette recherche. Aujourd’hui, la bibliothèque est au bout des doigts», transmet-il.