La réalité virtuelle au service de la santé

Plusieurs films abordent le sujet de la réalité virtuelle depuis de nombreuses années. Loin d’être fictive, cette dernière est étudiée par des chercheurs, et ce, aux quatre coins de la planète. À l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), l’équipe de Johana Monthuy-Blanc, professeure au Département des sciences de l’éducation se penche sur le Cybercorps auprès des hommes de moins de 25 ans.

Avant de parler des travaux faits à l’UQTR, définissons dans un premier temps ce qu’est la réalité virtuelle.

«Selon Pratt et ses collaborateurs (1995), la réalité virtuelle est un ensemble de logiciels et matériels permettant de simuler de manière réaliste une interaction avec des objets virtuels qui sont des modélisations informatiques d’objets réels», indique Mme Monthuy-Blanc.

«C’est de se plonger dans un environnement qui se veut le plus réel possible en mettant un casque spécial», ajoute l’étudiante au Doctorat en Psychologie, Jessica Lacoursière-Girard.

La réalité virtuelle au service de la santé

Pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde, l’exploitation de la réalité virtuelle dans le domaine de la santé peut sembler inusitée. Pourtant, les travaux de Mme Monthuy-Blanc et son équipe de recherche étudient la question en profondeur.

«Au regard à la fois de l’accroissement des troubles du comportement alimentaire, des populations touchées de plus en plus jeunes et du faible de taux de guérison, mes travaux de recherche visent à la fois la prévention et la thérapie de ces troubles au moyen de la réalité virtuelle. Grâce au couplage de la réalité virtuelle avec différents outils de mesure, le Cybercorps que j’ai développé en collaboration avec le professeur Stéphane Bouchard est un environnement virtuel en trois dimensions et à taille réelle pour mesurer et améliorer la perception corporelle d’un individu. À l’aide d’un visiocasque, d’un détecteur de position, l’individu interagit en temps réel dans cet environnement. Concrètement, le Cybercorps offre de nouveaux moyens d’évaluer, de dépister, de rétablir et de réhabiliter l’image du corps d’individus présentant des troubles du comportement alimentaire, une dysmorphie, une implantation ou une ablation mammaire, une amputation, une paralysie, donc susceptibles de présenter une distorsion de l’image du corps», avise la professeure.

Simulations de vol et jeux vidéo

Beaucoup de chemin a été parcouru depuis l’avènement de la réalité virtuelle à la fin des années 80. Elle est notamment utilisée pour différentes applications telles que les analyses de mouvement, les simulations de vol ou de conduite et même les jeux vidéo.

«Dans le domaine de la santé mentale, les études in virtuo montrent que les environnements virtuels procurent le même effet (émotionnel) que la réalité, et ce, tout particulièrement chez des populations cliniques (présentant un problème psychologique comme la phobie, par exemple). À l’UQTR, deux laboratoires mènent des études de recherche en santé mentale impliquant la réalité virtuelle: le laboratoire de recherche interdisciplinaire en réalité virtuelle dirigé par le professeur Christian Joyal et le laboratoire des troubles du comportement alimentaire que je dirige», expose la professeure Monthuy-Blanc.

Pourquoi un échantillon masculin?

Selon Mme Monthuy-Blanc, plusieurs raisons expliquent le choix des hommes âgés de 18 à 25 ans pour cette étude.

«Entre 18-25 ans, l’image du corps a une importance significative et les troubles du comportement alimentaire peuvent se maintenir depuis l’adolescence ou peuvent apparaître. Deuxièmement, une étude similaire "Cybercorps-femme" a été menée auprès des femmes durant l’année 2012. Ainsi, cette étude du "Cybercorps-homme" vise donc à comparer les résultats obtenus entre les hommes et femmes. Enfin, si l’équipe italienne de Riva et celle Perpiñá en Espagne utilisent également la réalité virtuelle pour mesurer l’image du corps, ces équipes de recherche s’intéressent peu à la population masculin limitant ainsi les connaissances scientifiques dans ce domaine», mentionne-t-elle.

Les personnes intéressées à participer à l’étude doivent communiquer au jessica.lacoursiere-girard@uqtr.ca

À noter qu’une présentation de l’étude Cybercorps aura lieu le 17-18 mai à l’UQTR lors du symposium sur les troubles du comportement alimentaire. Soulignons que les travaux à propos du Cybercorps-homme se tiendront jusqu’en juin puis de nouveau durant la session d’automne 2013.

Un futur virtuel?

À la vitesse où vont les découvertes dans le domaine, une question mérite d’être posée. Hypothétiquement, pourrait-on confondre, un jour, la réalité virtuelle avec la vraie vie ?

«Cette question est difficile, car la réalité virtuelle est liée aux caractéristiques individuelles. Par exemple, certains individus se sentent très "immergés" c’est-à-dire ont la sensation d’être "ici et maintenant" dans l’environnement virtuel alors que d’autres moins sensibles la "virtualité" sont très conscients d’être "ici et maintenant" dans la réalité. Néanmoins, il est intéressant de noter que l’utilisation de la réalité virtuelle est déconseillée auprès d’individus présentant une psychose, c’est-à-dire pouvant confondre plusieurs réalités pour éviter justement d’accroître cette confusion», conclut Mme Monthuy-Blanc.