Son père fut sa première victime

Il a commencé sa carrière d’escroc en plumant son propre père pour une somme de 3400$ avec l’aide d’un complice. Il n’avait que 15 ans. Son nom : Frank W. Abagnale.

Deux fois et demie millionnaire en l’espace de 5 ans, le gars avait tout flambé avant d’atteindre ses 21 ans. N’empêche qu’il avait largement profité de sa vie de jeunesse : fêtes dans les plus grandes capitales de l’Europe, nuits dans les hôtels quatre étoiles, voitures de sports et des femmes à profusion.

Coincé après une chasse à l’homme qui a duré 5 ans sur quatre continents, Frank Abagnale est reconnu comme l’un des plus grands fraudeurs des annales du crime. C’est son histoire que Steven Spielberg raconte dans le film Catch me if you can mettant en vedette Leonardo Di Caprio qui campe le personnage d’Abagnale.

Né dans le Bronx d’un père américain et d’une mère française, le jeune Abagnale voit sa vie perturbée par le divorce de ses parents. Il commence à sécher ses cours pour finalement abandonner l’école.

Décidé à ne pas devenir comme son père qu’il voyait comme un perdant, il quitte le domicile paternel à 16 ans. Déjà les flics sont à ses trousses. Auparavant, le jeune Frank s’était payé du bon temps à bord d’une Ford que lui avait achetée son père.

La vieille auto conduisit le jeune Frank droit vers l’obsession de sa vie : les femmes. Comme il mesure déjà un mètre quatre-vingt et qu’il paraît plus vieux que ses 16 ans, le gars ne se prive pas. Il falsifie d’ailleurs la date de naissance sur son permis de conduire. Mais pour séduire et fréquenter les belles femmes, il faut de l’argent. Beaucoup d’argent.

Fasciné par l’aviation, Abagnale devient copilote pour la Pan American World Airways en trafiquant les cartes et en changeant son identité. Entre l’âge de 16 et 18 ans, il a parcouru 1 600 000 kilomètres par la voie du ciel, à bord de quelque 255 vols au-dessus de 26 pays. Il s’est même retrouvé à un moment donné avec les commandes de l’avion entre les mains, seul dans la cabine de pilotage.

Son statut de copilote lui permettait de mener un train de vie digne d’un seigneur. Comme dormir gratuitement dans les plus grands hôtels. Toutes les dépenses étaient mises sur le compte de la Pan Am. Il se présentait souvent comme un pilote en vacances.

Sentant la soupe chaude un moment, il part se terrer dans une ville de la Georgie profonde. Là, il se fait passer pour un pédiatre. Le bluff a duré un an. Prié de remplacer un médecin ayant quitté précipitamment, Abagnale devient médecin surveillant dans un hôpital.

Son rôle se limite à arpenter les corridors et à encourager le personnel. Jusqu’au jour où on l’oblige à faire l’examen post-natal d’un enfant. Le bébé passe près de mourir. Terrifié à l’idée de devenir responsable de la mort d’un enfant , Abagnale prend la poudre d’escampette.

À peu près à cette époque, un inspecteur du FBI (joué par Tom Hanks dans le film de Spielberg) laisse tomber tous ses dossiers pour se consacrer uniquement à celui d’Abagnale. Il le traque douze mois par année.

Obligé de se camoufler à nouveau, Abagnale falsifie un diplôme de l’université de Harvard et devient avocat après avoir passé l’examen du Barreau. Puis procureur général de l’État de la Louisiane. Il n’a que 19 ans. Pour y arriver, il s’est tapé 4 mois d’études juridiques intensives.

Mais un soupçon se manifeste dans l’entourage au bout de quelques mois. Ne voulant courir aucun risque, Abagnale décampe.

Comptant sur une fortune de 500 000$ et déterminer à brouiller les pistes derrière lui, Abagnale décide de voyager. Passeur de faux chèques de génie, il écume les banques des villes comme Las Vegas, San Franciso, Acapulco, Londres, Paris, Istanbul, Athènes, Stockholm, Trieste. Entretemps il confectionne des faux chèques dans les chambres de motel.

Autre bluff spectaculaire: le gars recrute huit jeunes filles intéressées par une carrière d’agentes de bord et les emmène dans les plus belles capitales européennes. Le but : se constituer un équipage comme on dit dans le monde des pilotes de ligne. Abagnale veut jouer son rôle à fond. La combine marche. Tout se paie avec des faux chèques. L’homme se fait un magot de 300 000$. Le maquereau affirme n’avoir eu aucune relation sexuelle avec les futures agentes de bord. Les filles ne se doutent pas une seconde qu’il s’agit d’un coup monté.

Traqué par le FBI et Interpol, fatigué de se cacher sans cesse après cinq ans de cavale, Abagnale décide de se réfugier dans un vignoble de la région de Montpellier en France. Il se fait passer pour un écrivain se consacrant à la recherche et à la création littéraire.

Il songe sérieusement à refaire sa vie lorsque quatre policiers, armés jusqu’aux dents, le coincent dans un commerce. L’ayant reconnu, une agente de bord d’Air France l’avait balancé aux flics.

Débute une série de séjours en prison. Un an à Perpignan en France où l’escroc aurait vécu l’enfer dans une cellule trop petite pour lui (pas de douche ni de lumière, sommeil dans les excréments, plaies, vermines, hallucinations), puis six mois en Suède où la prison ressemblait au paradis sur terre, puis retour aux État-Unis où il réalise une évasion spectaculaire par les toilettes d’un avion arrêté sur le tarmac. Libre comme l’air, il escalade la clôture et prend la clef des champs.

Sachant qu’aucun traité d’extradition n’existait entre le Brésil et les États-Unis, Abagnale prend le train pour Montréal dans l’intention de se diriger vers l’Amérique du Sud, mais il se fait arrêter par la GRC à l’aéroport. Il retourne aux États-Unis où il s’évadera à nouveau avant de retourner en prison. L’enquêteur du FBI avait finalement réussi à lui mettre la main dessus. La sentence : 12 ans. Mais Abagnale ne fera qu’une année, les policiers lui demandant de leur donner un coup de main dans la lutte contre les fraudeurs de grande envergure en échange d’une liberté partielle.

Rangé, Frank W. Abagnale devient consultant en matière de lutte contre la fraude et possède sa propre entreprise. Millionnaire à nouveau, il devient une vedette de la télé américaine où il raconte son histoire.

Comment un homme peut-il réussir autant de bluffs sur la raison humaine? On le verra la semaine prochaine.

Sources : l’autobiographie de Frank W. Abagnale intitulée J’avais des ailes mais je n’étais pas un ange publiée aux Éditions internationales Stanké en 1981, ainsi que Wikipedia.

(Ce récit s’inscrit dans la série Histoires de crime qui renferme faits divers, procès et espionnage. )