Vivre avec la schizophrénie

Elle était jeune, mince et intelligente. Elle ne consommait ni drogue ni alcool. Elle commençait sa vie d’adolescente et elle était vouée à un avenir prometteur, mais son comportement s’est mis à changer peu à peu, ce qui a inquiété ses parents.

«Geneviève ne dormait pas beaucoup. Elle nous disait qu’elle entendait des voix. Le soir, elle laissait la radio allumée très fort pour ne pas entendre ces voix. Alors elle ne dormait pas, et nous non plus», raconte la mère de Geneviève.

Ses parents nagent dans le plus grand mystère. Sa mère lui propose d’aller consulter un médecin, mais Geneviève refusait et continuait sa descente aux enfers.

«Elle n’avait pas dormi pendant 10 ou 12 jours. Lorsqu’un ami lui a conseillé d’aller consulter, elle s’est décidée à suivre son conseil», précise la maman.

«Nous sommes allés consulter une psychiatre pour enfant. La psychiatre m’avait dit qu’elle ne serait capable de rien et qu’elle serait à notre charge pour le reste de sa vie. Elle a prescrit des médicaments à Geneviève. Ces premiers médicaments la rendaient zombie. Elle écoutait tout ce qu’on lui disait, elle mangeait et elle dormait. Je trouvais que ce n’était pas une vie pour un enfant de 15 ans», ajoute-t-elle.

Antipsychotiques et antidépresseurs

Au cours de sa vie, Geneviève a pris près de 20 médicaments différents pour améliorer sa santé mentale, dont des antipsychotiques et des antidépresseurs.

«J’ai pris plus de 100 livres en peu de temps. Je ne m’aimais vraiment pas. Au secondaire, j’ai été la risée de plusieurs personnes et ça m’a blessée. Certains me traitaient de folle. J’ai été abusée sexuellement lorsque j’étais en psychose. Ça m’a marquée pendant au moins 10 ans. Aujourd’hui, je ne peux plus avoir de travail à temps plein et parfois, je ne peux pas conduire à cause des médicaments», indique Geneviève.

«J’ai souvent pensé au suicide. J’étais tannée de ne pas être normale, d’entendre des voix et d’halluciner certaines choses. Je ne voulais même plus sortir de chez moi pendant un certain temps. Je voyais un grand oiseau noir dans le ciel. Je croyais que c’était le diable qui voulait venir me chercher», se souvient-elle.

Malgré tout, elle se trouve chanceuse.

«Je m’aime et j’aime les gens autour de moi. J’ai pardonné aux gens qui m’ont blessée, même à mon agresseur. Je me sens plus autonome et plus chanceuse lorsque je me compare aux gens dans la même situation que moi. Je n’ai jamais consommé de drogue et rarement pris de la bière. Ça m’a peut-être permis d’être plus équilibrée dans mon déséquilibre», affirme Geneviève

«Nous sommes très fiers du chemin qu’a parcouru notre fille, assure sa mère. Au début, nous avions de la difficulté à le croire. On s’est senti très coupable. On pensait que c’était notre faute si notre fille était devenue schizophrène. On s’est isolé et on a gardé ça secret pendant près de sept ans. On en parlait pas du tout, jusqu’à ce que Geneviève écrive son premier livre de poésie», ajoute-t-elle.

Un jour à la fois

«On vit au jour le jour. Ce n’est pas toujours facile puisque les personnes prises avec la schizophrénie demandent parfois beaucoup d’attention. Par exemple, au début quand elle est partie de la maison, elle pouvait m’appeler dix fois dans la même journée. Aujourd’hui, si elle m’appelle plus que trois fois, je laisse le répondeur répondre », confie la mère de Geneviève.

Geneviève vit maintenant en appartement, bien au fait de ses problèmes et ce qu’elle doit améliorer.

« Je n’ai aucune structure. Je n’ai pas de routine, je fais ce qui me plaît au cours d’une journée. Je trouve ça merveilleux et je profite de ma liberté. Je n’ai pas à me presser. Je ne veux pas être en laisse et avoir plein d’obligations», souligne-t-elle.

Elle s’est lancée dans l’écriture et a déjà à son actif cinq recueils de poésie. Elle lance cette semaine un livre de 33 pages.

«Je rêve de devenir porte-parole pour la santé mentale, de faire des témoignages pour eux puisque mon histoire pourrait en inspirer plus d’un. Je voudrais devenir une auteur connue», assure Geneviève.

Elle souhaite rapidement écrire un nouveau livre et monter une pièce de théâtre en collaboration avec la Maison de la famille Chemin-du-Roy.

«Tant et aussi longtemps que je vais prendre ma médication, il n’y aura pas de problème. Je vais pouvoir vivre ma vie normalement sans vivre de psychose. Si Dieu m’a donné cette maladie, c’est qu’il y a une raison», conclut Geneviève.