Les jeunes et les jeux

S’il existe une période trouble dans la vie d’un être humain, c’est bien l’adolescence. En pleine période de transition dans son existence, le jeune d’aujourd’hui se retrouve plongé dans mille et une tentations. Parmi elles, les jeux d’argent et de hasard.

«C’est important de s’y attarder, même s’il ne faut pas être alarmiste», prévient la professeure en psychoéducation à l’UQTR, Natacha Brunelle, qui mène un projet de recherche sur les trajectoires de jeux de hasard et d’argent chez les jeunes, ainsi que le rôle du jeu sur Internet et de problématiques qui y sont associées. Mme Brunelle est une chercheure spécialisée dans le domaine de la toxicomanie  et des problèmes associés à l’adolescence.

Selon des données de l’Institut de la statistique du Québec de 2008, un peu plus d’un jeune sur trois mise dans des jeux de hasard et d’argent. «Parce qu’ils n’ont pas l’âge légal pour jouer, ils parient sur n’importe quoi, sur des jeux d’habiletés comme quand ils jouent au billard entre amis, ou encore aux fléchettes. Plusieurs jouent au poker entre amis. Ils vont y aller de différentes gageures, etc.», explique Mme Brunelle.

Environ 2% des jeunes présentent de véritables problèmes de jeu, particulièrement des garçons. «Même s’il s’agit d’une minorité, le risque est deux fois plus élevé de développer une problématique que chez les adultes.  Les jeunes sont plus vulnérables que les adultes aux problèmes de jeu» explique Mme Brunelle.

Un jeune qui joue et qui a des problèmes de jeu présente aussi souvent d’autres types de comportements déviants comme la consommation de drogues ou la délinquance. «Si on travaille juste sur un problème, on n’arrivera probablement pas à le régler, c’est pourquoi c’est d’autant plus important de bien connaître le jeune qui se trouve devant nous», explique-t-elle.

Pour y arriver, le projet sonde les jeunes de 11 écoles secondaires de trois grandes régions du Québec, soit la Mauricie/Centre-du-Québec, Montréal et Québec. Un total d’environ 3 980 élèves sont suivis sur une période de quatre ans, dans quatre temps différents, tant dans des écoles publiques que privées.

Un jeu dangereux

Le projet de Natacha Brunelle se penchera aussi sur l’offre de jeux de hasard et d’argent  en ligne, une tendance en croissance depuis 15 ans environ, encore davantage chez les jeunes, qui sont les principaux utilisateurs d’Internet.

«L’offre ou l’accès des jeux  en ligne s’est multiplié depuis environ 15 ans. Les jeunes sont beaucoup sur Internet et les études ont démontré que ceux qui jouent sur Internet ont plus de problématiques de jeu, de consommation et de délinquance que les autres. Mais on sait encore peu de choses sur la question du jeu sur Internet et sur ses impacts. «Les études actuelles ne nous permettent pas de dire que le jeu Internet cause les autres problèmes qu’on observe chez ceux qui y jouent.  C’est très important de s’y attarder maintenant», reconnaît la professeure.

La Santé publique s’inquiète de la grande accessibilité de ces jeux de hasard en ligne. Elle s’inquiète aussi de la possibilité de miser de l’argent virtuel car trois à quatre fois plus de jeunes misent de l’argent virtuel que de l’argent réel.  «Il faut se questionner sur la proportion des jeunes qui misent de l’argent virtuel et qui vont miser de l’argent réel plus tard», confie-t-elle. «Quand ils misent de l’argent virtuel dans un mode "démo", de pratique, par exemple, le taux de retour est beaucoup plus élevé que dans la réalité et les incitatifs sont nombreux pour passer à des mises réelles. Alors, quel sera l’impact à moyen ou long terme de jouer de l’argent virtuel? Il faut voir la proportion de jeunes qui passe du mode «démo» à des mises réelles et pour ça il faut les suivre sur plusieurs années.»

Jouer et consommer

Il semble que les jeunes qui jouent de façon exagérée entrent dans un cercle vicieux.

«Ils jouent parfois pour financer leur consommation. Certains misent même de la drogue pour, à l’inverse, financer leur jeu. Selon nos observations, les jeunes ont indiqué que quand ils sont sous l’effet de la drogue, ils ont tendance à être plus impulsifs et à dépenser davantage», raconte Natacha Brunelle.

«Nos rencontres avec eux, sur quatre ans, permettront de voir l’évolution de leurs comportements. On rencontrera aussi certains jeunes en  entrevue individuelle pour les inviter à expliquer l’évolution de leurs comportements et les liens entre eux. Dans le passé, ça a permis de donner des indices cliniques aux intervenants et on espère maintenant leur en fournir plus, et aux parents aussi», confie-t-elle.

«L’idée n’est pas de démoniser le jeu et Internet, mais de dire qu’on doit être plus prudents avec les ados, car ils sont plus vulnérables», précise la professeure.

La question des parents revient toujours dans ce genre de sujet. Qu’en est-il ici?

«Il ne suffit plus de s’intéresser au nombre d’heures que nos ados passent sur Internet. Il faut porter une attention un peu plus grande à ce qu’ils font sur Internet, pas juste le temps.»